lundi 28 janvier 2013

Charpentiers de navire à Beauport : une affaire de famille

Dans un pays neuf comme la Nouvelle-France, la voie maritime constitue pratiquement la seule route de communication et de commerce utilisée. Il n’est pas étonnant que la charpenterie maritime occupe une part importante de la vie économique du pays. Dans les premières années de la colonie canadienne, la pratique de cet art est principalement réservée aux artisans de la génération des pionniers qui avaient appris leur métier dans la mère patrie. Graduellement, les artisans canadiens s’initient à la construction maritime et peuvent s’impliquer dans ce type d’activité professionnelle. La transmission de leur art se fait à l’intérieur d’un réseau familial dans lequel plusieurs membres prodiguent leurs connaissances à leurs descendants. Comme le rapporte Réal N. Brisson dans son livre sur la charpenterie navale à Québec sous le régime français, « par les liens de parenté, il est possible de traverser tout le Régime français en s’en tenant aux seuls patronymes figurant aux marchés de radoub et de fabrication de bâtiments et d’établir les étapes marquantes du cheminement de la construction navale canadienne » (1). Cet auteur souligne les liens familiaux qui unissent les familles de charpentiers de navires en Nouvelle-France. Le but de ce texte est de préciser l’étendue du réseau familial tissé par les familles Parent, Badeau et Chevalier pour la pratique de cette profession.

I Jacques Badeau m Anne Ardouin

II Jean Badeau                               
m Marguerite Chalifour                                       
NDQ, 1665-10-28                           

III Jean Badeau                   Fabien Badeau       
m1 Françoise Roy                  m Marie-Anne Corbin   
Charlesbourg, 1693-10-19       NDQ, 1698-11-12       
m2 Catherine Larchevesque                       
NDQ, 1700-7-12                           



I Jacques Badeau m Anne Ardouin
                               
II Jeanne Badeau
m Pierre Parent
Beauport, 1654-2-9

III Marie Parent              Michel Parent             Charlotte Parent           Jacques Parent
m1 David Corbin           m Jeanne Chevalier       m Michel Chevalier     m Louise Chevalier
Beauport, 1670-11-25   Beauport, 1692-11-25   Beauport, 1695-1-24    Beauport, 1677-2-?
m2 Joseph Rancourt
Beauport, 1685-2-5

IV David Corbin
m Marie-Jeanne Favone
NDQ, 1707-2-28    

 

Les noms des individus en caractères gras apparaissent dans les actes notariés impliquant la construction de bateaux avec le titre de charpentiers de navire. Ils sont tous qualifiés fréquemment de charpentier de navire à l’exception de Jacques Parent qui ne porte ce titre qu’en deux occasions.


NDQ : Notre-Dame-de-Québec

(1) Réal N. Brisson, Les 100 premières années de la charpenterie navale à Québec : 1663-1763, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, collection Edmond de Nevers no2, 1983, 318 pages.

lundi 21 janvier 2013

Autres triplets en Nouvelle-France – partie 2

Les 6 et 7 avril 1665, à Montréal, il y a eu les naissances des triplets Celle dit Duclos et à la fin de 1674, à Beauport, les triplets Parent – Étienne, Jean et Joseph –  ont vu le jour. On ne peut être plus précis car, pour cette période, les registres de Beauport ont été détruits. Les triplets Celle dit Duclos sont décédés soit le jour de leur naissance, soit trois jours plus tard. Par contre, les triplets Parent font figure d’exception car les trois garçons ont survécu, se sont mariés le même jour en février 1696 et ont eu une nombreuse descendance.

Une troisième famille a vécu la naissance de triplets au 17e siècle. À Québec, le 24 octobre 1697, ont été baptisés Marie Élisabeth, Marie Ursule et Marie Anne Pagé dit Quercy qui sont toutes nées le jour même. Ce sont les filles de Guillaume Pagé dit Quercy et d’Élisabeth Letartre. Il s’agit de leurs neuvième, dixième et onzième enfants. Guillaume, fils de Raymond Pagé dit Quercy et de Madeleine Bergeron, et Élisabeth, fille de René Letartre et de Louise Goulet, se sont mariés le 30 janvier 1679, à L’Ange-Gardien. Guillaume est né en Nouvelle-France, soit le 21 juillet 1657, à Québec, et Élisabeth a vu le jour en France; elle a émigré avec ses parents.

Les enfants Pagé dit Quercy survivent à leur naissance. Malheureusement, une seule atteindra l’âge adulte. Marie Anne est inhumée le 9 septembre 1698, à Québec et l’acte de sépulture de Marie Élisabeth est enregistré aussi à la paroisse Notre-Dame-de-Québec,  le 18 mai 1699.

Extrait des registres de Notre-Dame-de-Québec
Le neufviesme jour du mois de septembre de l’an mil six cent
quatre vingt dic huict a esté inhumée par moy prestre curé
de quebec marie anne âgée d’un an ou environ fille de guillaume
pagé dit quarcy et de elizabeth le tartre sa fme en presence
de Jean du breüil témoins
François Dupré

Le dix huictiesme jour du moy de may de l’an mil six cent quatre
vingt dix neuf a esté inhumée au cimetière de cette paroisse par moy prestre curé de quebec marie elizabeth âgée d’un an et demy ou environ fille de guillaume pagé dit quarcy et d’élizabeth le tartre sa fme en présence de Jean du breuil témoins        françois Dupré
Marie Ursule, la survivante du trio, se mariera et aura des enfants. Toutefois dans son acte de mariage, elle est identifiée du prénom de Marie Anne. Elle épouse Nicolas Boisseau, fils de Pierre Boisseau et de Marguerite Guérin, le 9 septembre 1725, à Québec. Elle aura plusieurs enfants. Elle garde ce prénom de Marie Anne.

Élisabeth Letartre est décédée le 7 décembre 1720, à Québec et son époux Guillaume Pagé dit Quercy le 28 mars 1722, aussi à Québec.

lundi 14 janvier 2013

Autres triplets en Nouvelle-France – partie 1

En Nouvelle-France, Jeanne Badeau n’est pas la seule à avoir donné naissance à des triplets.

En 1665, à Montréal, Barbe Poisson a aussi donné naissance à des triplets. Claude Celle dit Duclos, fils de Jean Celle dit Duclos et de Colette Roguer, de Nonant, en Normandie, a épousé Barbe Poisson, veuve de Léonard Lucos, le 19 novembre 1651, à Montréal. Le premier mariage de Barbe Poisson avait été célébré le 12 octobre 1648, à Montréal. Le couple Lucos-Poisson avait eu une fille née le 1er juillet 1650. Lucos est décédé des blessures reçues lors d’une escarmouche avec les Iroquois le 20 juin 1651.

Il est pratiquement impossible à une jeune femme de rester veuve bien longtemps dans les premières années de la Nouvelle-France. Ainsi, après un peu plus de cinq mois de veuvage, elle se remarie avec Claude Celle dit Duclos.

Les enfants naissent à intervalle régulier pour le couple Celle dit Duclos-Poisson. Quatre enfants voient le jour entre 1654 et 1662 : deux garçons et deux filles. Puis, en 1665, Barbe accouche de triplets. Malheureusement, aucun ne survivra. Les registres de la paroisse Notre-Dame, à Montréal, procurent une précieuse information sur les naissances et les courtes vies de ces triplets.

Le 6 avril 1665, on baptise Claude, fils de Gabriel Celle dit Duclos et de Barbe Poisson. Les parrain et marraine sont Claude Robutel dit Saint-André et Marie Thérèse Lebreuil, épouse de Marin Deniau. Le lendemain, le 7 avril, on procède aux baptêmes de Jeanne et de Marie. Les parrain et marraine de Jeanne sont Paul Chomedey de Maisonneuve et Madeleine Martin au nom de Jeanne Mance et ceux de Marie, Jean Lavigne et Marie Moyen.

Claude ne survit pas à sa naissance; il est enterré le jour même. Ses sœurs ne survivent que trois jours. Dans les registres de la paroisse Notre-Dame, à Montréal, on lit, à la suite de l’acte de sépulture de Claude, que Jeanne et sa sœur Marie sont inhumées le 10 avril.

Barbe Poison se remet de cette épreuve et elle donnera naissance à trois autres enfants entre 1656 et 1671, Elle est inhumée à Montréal, le 7 janvier 1711.

lundi 7 janvier 2013

Michel Parent, charpentier de navire en 1710


Le 6 octobre 1695, Charles Juchereau concède à Michel Parent et à Michel Chevalier, son beau-frère, à part égale, une terre dans la seigneurie de Beauport (1). Michel Parent a épousé jeanne Chevalier, le 24 novembre 1692, à Beauport. Deux ans plus tard, les deux associés retournent cette propriété à Charles Juchereau (2). Pendant plusieurs années, Michel Parent ne signe aucun contrat de charpenterie maritime alors que son beau-frère continue à œuvrer dans ce métier.

En 1710, Michel Parent et Michel Chevalier, son beau-frère, s’associent de nouveau, non pas dans l’achat d’une terre comme il y a 17 ans, mais plutôt dans la construction maritime. En effet, les deux associés s’engagent à construire un brigantin pour le marchand Louis Prat. Un brigantin se définit comme « un vaisseau de bas bords à deux mâts et un seul pont. Il porte la voile carrée au mât d’avant et la voile latine à l’autre. Sa coupe effilée en fait un bon petit vaisseau de guerre »(3). Il ne s’agit pas d’une petite chaloupe, qu’on en juge! Parent et Chevalier «promettent et s’obligent envers le dt Prat de faire et parfaire bien et dument au dire d’ouvriers et gens à ce connaissant tous les ouvrages de charpenterie qui seront necessaires pour la construction d’un brigantin de quarante cinq pieds de quille, lequel aura onze pieds de barre d’arcasse, seize pieds de maistre baux […] ». Le sieur Prat déboursera 2 400 livres pour prendre livraison de son bateau (4).

La construction du navire débute, mais rapidement Louis Prat et les charpentiers conviennent d’en modifier les plans. À la fin de l’été, les protagonistes s’entendent et se présentent chez le notaire Pierre Rivet. Le 5 septembre, parce que le brigantin « aura quarante cinq pieds de quille au lieu de quarante huit, huit pieds de creux au lieu de sept, dix sept pieds et demy de Baux au lieu de seize, trois pieds de bord au lieu de deux pieds et demy, la barre d’arcasse et les matures à proportion, Ainsy que la chaloupe », les deux associés recevront une augmentation de 400 livres du marché initial signé en juillet dernier (5). Ainsi, malgré le faible prix payé pour le blé en cette année 1710, notre ancêtre s’assure d’une bonne source de revenus.

Par la même occasion, les deux Michel signent une entente pour régler leurs problèmes d’approvisionnement en bois pour cette construction. Ils parviennent à un accord avec André Loup dit le Polonais, maître de barque. Ce dernier s’engage à charroyer tout le bois nécessaire pour ce faire. André Loup promet et s’oblige à charroyer dans son bateau, de l’île aux Grues et de l’île aux Oies jusqu’à Beauport où Il pourra « monter avec la marée », tous les bois qui seront nécessaires pour la construction du brigantin (6). Les constructeurs du brigantin vont payer 60 livres par voyage au navigateur qui promet de faire autant de voyages qu’il lui sera demandé.

(1) BAnQ-Q. Minutier de François Genaple, le 6 octobre 1693.
(2) BAnQ-Q. Minutier de Louis Chambalon, le 15 octobre 1695.
(3) Jacques Mathieu, La construction navale royale à Québec 1739-1759, La Société historique de Québec, Cahier d’histoire no 23, Université Laval, 1971, p. 85.
(4) BAnQ-Q. Minutier de Pierre Rivet de Cavelier, le 8 juillet 1710.
(5) BAnQ-Q. Minutier de Pierre Rivet de Cavelier, le 5 septembre 1710.
(6) BAnQ-Q. Minutier de Pierre Rivet de Cavelier, le 5 septembre 1710.