Extrait des Annales de l'Hôtel-Dieu
Le feu prit a une maison de la basse Ville, et comme elles etoient fort combustibles, nêtant bâtis que de bois, et la saison fort seche, le feu se communiqua si vite qu'en peu de temps toute la ville se trouva reduite en cendre, c'êtoit le 5e d'août, fete de Notre Dame des Neges, a dix heures du soir. Nous nous eveillâmes aux cris effroyables que nous entendîmes dans le voisinage, et nous ne fûmes pas peu allarmees de voir qu'il faisoit aussy clair chez nous qu'en plein midy […] Il n'y eût dans toute la Basse Ville que la maison de monsieur Aubert de la Chenaye qui fut sauvée de cet embrasement.
Comme la rédactrice des Annales de l'Hôtel-Dieu a décrit ces faits plusieurs années après l'événement, il faut apporter une correction : l'incendie a débuté dans la soirée du 4 août pour se terminer le lendemain matin (2). De plus, il n’y a pas seulement la maison du sieur de Lachesnaye qui fut épargnée, La maison de Pierre Parent, rue Sault-au-Matelot, a aussi échappé aux flammes.
Quand le nouveau gouverneur Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre et l'intendant de Meulles débarquent à Québec en septembre, force leur est de reconnaître l'ampleur de la catastrophe (3).
Lettre de l'intendant de Meulles au ministre du 6 octobre 1682
[…] apres soixante et dix huit jours de navigation nous Sommes arrives en Cette Ville ou nous avons trouvé une Consternation Universelle causée par Un incendie presque de toute la basse Ville de Quebek, on y compte Cinquante et tant de maisons bruslées dont la pluspart consistoient en grands magasisns qui Servoient pour descharger toutes les marchandises qui viennoient de France […].
Ainsi, le nouveau gouvernement est confronté à des situations d'urgence dont celle de rétablir une voie de communication entre la Basse-Ville et la Haute-Ville. Le gouverneur Lefebvre de La Barre est conscient de cette urgence et il écrit le 14 novembre 1682 : « Je vous marque icy l'incendie de la basse ville de Quebec dont j'ay deja eut l'honneur de vous escrire, il faut songer a faire restablir le chemin qui montant à la haute ville, c'est un ouvrage pour monsieur l'Intendant». (4)
Comme une forte concentration d'entrepôts de fournitures sont localisés à la Basse-Ville de Québec, plusieurs marchands ont subi de lourdes pertes. Conjugué à la reprise de la guerre avec les Iroquois, le déclin de la bonne fortune de Charles Aubert de Lachesnaye débuterait avec ce drame (5). D'ailleurs, le gouverneur Lefebvre de La Barre, associé à Aubert de Lachesnaye, le signale dans une lettre du 4 novembre 1683 adressée au ministre Colbert (6).
Lettre de Joseph-Antoine Lefebvre de La Barre à Colbert du 4 novembre 1683
Je suis conscience obligé de vous rendre compte des grands secours que le sieur de la Chesnayes rend au pays; l'incendie de la basse ville est presque réparée par le delay qu'il a donné à ses débiteurs et ce qu'il a pressé aux plus pauvres il avoit soustraitte cy devant des dettes de l'ancienne Compagnie de la ferme de Canada; ces Messieurs le pressent sans relâche et comme les effects subsistent toujours, il seroit bien juste qu'il plust a Sa Majesté de proroger le temps de ces payements de deux ou trois années afin que dedans la misere de ce grand accident il ne fut pas.
1. Les Annales de l’Hôtel-Dieu de Québec 1636-1716, composées par les révérendes mères Marie-Jeanne-Françoise Juchereau de Saint-Ignace et Marie-André Duplessis de Sainte-Hélène, Québec, Hôtel-Dieu-de-Québec, 1984, p. 202-203.
2. Pierre-Georges Roy, « Les conflagrations à Québec sous le régime français », Bulletin des recherches historiques, vol. 31, no 3, 1925, p. 73.
3. Lettre de l’intendant de Meulles au ministre, Archives nationales du Canada, cote MG1-C11A, vol. 6, folio 79-80.
4. Pauline Dubé, La Nouvelle-France sous Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre. Lettres, mémoires, instructions et ordonnances, Sillery, Septentrion, 1993, p. 60.
5. Québec ville et capitale, sous la direction de Serge Courville et Robert Caron, collection « Atlas historique du Québec », Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2001, p. 82.
6. Pauline Dubé, op. cit., p. 108.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire