vendredi 30 décembre 2011

Le jour de l'an en 1650 en Nouvelle-France

En Nouvelle-France, au milieu du XVIIe siècle, on célèbre l’arrivée de la nouvelle année de deux façons. Tout d’abord, les autorités religieuses rappellent que le 1er janvier est surtout une fête religieuse, celle de la circoncision de Jésus. Mais ce volet religieux s’accompagne aussi d’un échange de présents, soit les étrennes du jour de l’an. Le mot étrenne est spécifique à ces cadeaux faits au premier jour de l’année.

À cette époque, en dépit d’un faible peuplement, cette coutume est déjà bien établie sur les rives du Saint-Laurent. En 1653, on évalue la population de la Nouvelle-France à environ 2000 habitants (1). On peut lire des passages du Journal des jésuites qui soulignent le début de la nouvelle année. Le rédacteur de ces textes est le père Jérôme Lallemant.

Ainsi, le 1er janvier 1649, le père Lallemant notait que :

M. le Gouverneur envoya le matin son sommelier apporter deux bouteilles de vin d’Espagne, un coq d’Inde & un Agnus Dei; autant au P. Vimont, & le double de vin d’Espagne au P. Le Jeune. Les Hospitalières nous envoyèrent un baril de vin d’Espagne & deux chapons (2).
Le gouverneur de cette époque se nomme Louis d’Ailleboust de Coulonge et d’Argentenay. Il a succédé à Charles Huault de Montmagny en 1648. Il sera remplacé par Jean de Lauson en 1651.

Un an plus tard, on peut lire  que :

Les Hospitalières envoyèrent deux chapons le matin. Les Ursulines nous envoyèrent saluer par M. Vignar & n’envoyèrent rien autre chose. Je donnai à M. Vignar un pain de bougie & une bible que m’avait donnée mademoiselle Mance; à St.Martin, un pain de bougie & une main de papier, & deux livrets spirituels.
Mons. Le Gouverneur envoya une escouade de soldats au bout du pont, nous saluer avec décharge de leur arquebuse, & de plus 6 flacons de vin, dont deux étaient de vin d’Espagne. J’envoyai les étrennes à tous les domestiques de la maison, savoir : un petit reliquaire de deux sols & un livre de plus à Gloria, & à Beaufour, officier de lutrin. On leur donna souliers sauvages ou mitaines (3).
Pour le Nouvel an 1651, le rédacteur du Journal des jésuites écrivait :
J’allai saluer M. le Gouverneur dès le matin. Je donnai à Madame un reliquaire. J’écrivis aux Ursulines & aux Hospitalières. J’envoyai à M. Couillar un calumet de pierre […] M. Giffar m’envoya deux chapons, Mre Jean Guyon un chapon & une perdrix, Madame Couillar deux poules vives (4).
Un mot concernant M. Couillar et M. Giffar. M. Couillar est nul autre que Guillaume Couillard, un des pionniers de la Nouvelle-France, présent à Québec dès 1613. Il épousa Guillemette Hébert, fille de Louis Hébert et de Marie Rollet, le 26 août 1621, à Québec. Leur fille Élisabeth Couillard a épousé Jean Guyon, le 27 novembre 1645, à Québec. Quant à ce M. Giffar, il s'agit de Robert Giffard, seigneur de la seigneurie de Beauport. Cette seigneurie avoisine la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges. Les jésuites sont les seigneurs de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges où Pierre Parent s’établira après son mariage en 1654.

Les ursulines, originaires de Tours et de Paris, et les hospitalières de la Miséricorde de Jésus, provenant de Dieppe, sont arrivées en Nouvelle-France en 1639.

1. Robert Lahaise et Noël Vallerand, La Nouvelle-France 1524-1760, Montréal, Lanctôt, 1999, 334 pages.
2. Journal des jésuites, publié d'après le manuscrit original conservé aux archives du Séminaire de Québec par les abbés Laverdière et Casgrain. Québec, chez Léger Brousseau, imprimeur-éditeur, 1871, p. 119.
3. Ibid, p. 132.
4. Ibid., p. 147-148.

vendredi 23 décembre 2011

Noël en Nouvelle-France au XVIIe siècle

Au XVIIe siècle, on fête Noël en Nouvelle-France. Il s’agit d’une fête religieuse qui est couronnée par la célébration de la messe de minuit. On célèbre la naissance Jésus.

Très tôt, les ursulines de Québec faisaient de la fête de Noël un jour spécial. Elles érigeaient une crèche avec les personnages de Marie, Joseph et Jésus.

Nous rappellerons encore ici une de ces ingénieuses et touchantes pratiques de nos anciennes Mères, pour augmenter parmi les séminaristes et les pensionnaires, la dévotion envers la sainte Enfance de Notre-Seigneur. Tous les ans à l’époque de Noël, elles faisaient venir de Lorette ou de Sillery, un petit sauvage qu’elles habillaient de neuf, honorant en lui le Saint Enfant Jésus. Déjà l’on avait dressé dans la chapelle une grande et belle crèche, où figuraient de hauts sapins verts, arbres chéris des sauvages; à l’ombre de ces sapins paraissaient les trois personnes de la Ste. Famille, Jésus, marie et Joseph, tandis que dans le lointain se révélaient aux yeux des sauvages étonnés, les anges, les pasteurs et leurs troupeaux (1).
Parfois, il arrive qu’attendre la messe de minuit en toute paix s’avère impossible. Dans la nuit de Noël 1645, on peut lire dans les Relations des jésuites que
deux de nos français s’étant mis à boire, en attendant la messe de munit, s’enivrèrent avec beaucoup de scandale de quelques Français et sauvages qui les virent; on prêche fortement contre, à raison de ce que les Sauvages disaient : « On nous fait prendre la discipline quand nous nous enivrons, et on ne dit rien aux Français. ». Il n’en fallait pas davantage que ce qui fût dit en public. Mons. Le gouverneur les fit mettre sur le chevalet exposé à un nord-est épouvantable (2).
Heureusement, une telle situation reste exceptionnelle. En décembre 1648,
la messe de minuit fut précédée des matines qui furent dites pour la 1ère fois et bien. Il y eut grand monde et toute l’Église regorgeait dès le commencement des matines, qui commencèrent à 10 heures. On sonna le dernier quart d’heure devant et on finit un quart devant minuit (3).
Au début de 1651, les jésuites écrivaient :
La grande Église de Québec, dont on commença la bastisse il y a trois ans, n’est pas encore achevée; toutefois, on commença à Noël à y faire l’Office avec un ordre et une majesté qui augmentent la dévotion : il y a huict enfans de chœur, des chantres et des Officiers (4).
En 1664, les missionnaires jésuites, en expédition sur la Côte-Nord, ont passé la fête de Noël sur les bords d’un grand lac où ils érigèrent une chapelle. « Tous, à la réserve de quelques uns, que je ne jugeai pas assez disposez, y firent leurs dévotions avec beaucoup de sentiment de piété »(5).

Pierre Parent et sa famille se rendent à la chapelle de Beauport qui existe au moins depuis le début de la décennie 1650 (6).

Joyeux Noël

1. Les Ursulines de Québec depuis leur établissement jusqu’à nos jours, tome premier, Québec, C. Darveau, 1863, p. 316-318.
2. Journal des Jésuites cité dans Raymond Montpetit, Le Temps des Fêtes au Québec, Montréal, éditions de l’Homme ltée, 1976, p.43.
3. Ibid., p. 47.
4. Relations des Jésuites, http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/numtxt/195694-2-%28594-707%29.pdf
5. Relations des Jésuites, http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/numtxt/195694-3-%28282-426%29.pdf
6. Jean Langevin, Notes sur les archives de Notre-Dame de Beauport, Québec, 1860, 138 pages.

vendredi 16 décembre 2011

Les unités de mesure en Nouvelle-France

En 1659, Pierre Parent débourse une somme de 75 livres pour l’achat d’un bœuf. En 1660, Pierre acquiert des jésuites une superficie de terre de 16 perches carrées. En 1672, débute la construction de leur maison, rue Sault-au-Matelot, à Québec, qui mesurera 20 pieds de largeur. En 1688, les ursulines paieront les sommes de 100 sols pour chaque pipe de chaux que la carrière Parent leur livrera. À quoi correspondent ces mesures du XVIIe siècle par rapport à nos mesures actuelles ? Les mesures utilisées en Nouvelle-France diffèrent des mesures modernes. Le tableau suivant aide à mieux les comprendre. Notez que cette liste n’est pas exhaustive car d’autres mesures sont aussi utilisées par nos ancêtres.

Unités de mesure
Monnaie
12 deniers = 1 sol
20 sols = 1 livre
1 franc = 1 livre (1)
1 écu = 3 livres (2)

La livre est une valeur comptable car il n’existe pas de pièces de monnaies de cette valeur. En Nouvelle-France, on observe aussi la circulation de monnaies étrangères.
En 1685, l’intendant Jacques de Meulles invente la monnaie de cartes. Sur des cartes à jouer, on écrivait des montants qui étaient validés par un cachet officiel.

Mesures de longueur
1 pied français = 1,066 pied anglais
1 aune = 3 pieds 8 pouces
1 toise = 6 pieds (toise de maçon)
1 perche = 18 pieds français
1 arpent (mesure linéaire) = 180 pieds français (en mesure anglaise= 191,8 pieds)
10 perches = 1 arpent linéaire
1 lieue = 5 km

Mesures de surface
100 perches carrées = 1 arpent de surface

Mesure de volume

2 roquilles = 1 demiard
2 demiards = 1 chopine
2 chopines = 1 pinte
2 pintes = 1 pot
1 minot = 3 boisseaux ou 39 litres
4 minots = 1 setier
1 poinçon = 320 litres
1 pipe = 1 muid et demi ou 210 pots (3)
1 barrique = 110 ou 120 pots

1. Dans le livre des comptes du Séminaire de Québec, un franc et une livre ont la même valeur.
2. Dans le livre des comptes du Séminaire de Québec, on donne la valeur de 3 livres à 1 écu.
3. En consultant le Trésor de la langue française, réalisé par l'Institut national de la langue française à Nancy, on apprend que le mot pipe, en métrologie (science des mesures), a deux principaux sens: a) Ancienne capacité de mesure pour les liquides équivalant à un muid et demi, soit quatre-cent deux litres environ; b) Grande futaille, de capacité variable selon les régions; son contenu : une pipe de cidre, de cognac, d'eau-de-vie.

vendredi 9 décembre 2011

Les biens matériels de Pierre Parent et Jeanne Badeau

Le notaire Jean-Robert Duprac réalise l’inventaire des biens de la communauté entre Pierre Parent et Jeanne Badeau du 16 au 18 octobre 1698. Pierre est décédé le 5 août précédent. Un tel document décrit la liste des biens domestiques, des animaux de la ferme et des biens fonciers de Pierre Parent.

Voici quelques éléments tirés de l’inventaire qui sont transcrits en français moderne:


Une vieille crémaillère, prisée et estimée à trente sols;
Item une pelle à feu, une broche et un vieux gril, le tout de vieux fer, prisés et estimés le tout à huit livres;
Item deux marmites, l’une avec son couvercle et l’autre sans couvercle et entourée d’un cercle de fer, prisées et estimées à six livres;
Item une vieille poêle rapiécée, prisée et estimée à une livre;
Item un seau ferré de trois cercles de fer, prisé et estimé à quatre livres;
Item trois vieux chandeliers de cuivre jaune, prisés et estimés à quinze livres;
Item une vieille huche de bois de noyer, prisée et estimée à trois livres;
[...]
Dans une autre chambre, C’est rencontré,
un vieux piège tel quel, prisé estimé à cinq livres;
une vieille baratte, prisée estimée trente sols;
Item une vieille pince de fer, prisée estimée à la somme de six livres;
une paire d’armoire à quatre volets de bois de merisier fermant à clefs, prisées estimées à la somme de vingt livres;
Item une vieille table avec son tiroir, non estimée à cause de son peu de valeur ;
Item un vieux chalit où couche les petits enfants où il y a une méchante couverte de poils de chien et aussi une autre couverte de poils de chien et un matelas pesant vingt sept livres en laine et pour sept livres six sols de toile et pour le matelas font 30 livres;
Item deux sas à sasser avec une vieille tinette prisés le tout quarante sols;
[...]
Ensuit les Bestiaux,
Item trois grand cochons, un estimé 18 livres et les deux autres à vingt-huit livres;
Item deux cochons norituriaux, prisés estimés à huit livres, font seize livres;
Item deux autres petits cochons norituriaux, estimés 5 livres;
Item deux chevaux dont il y en a un borgné sous poil rouge et brun âgé de onze ans ou environ, estimé à soixante et dix livres et l’autre cheval, prisé estimé 40 livres; 

et les harnais prisés estimés 10 livres;
Item quatre jeunes bœufs âgés de quatre ans, deux sous poil gris et blanc et les deux autres sous poil rouge, prisés estimés chaque paire des dits bœufs cent vingt livres, font les quatre 240 livres;
Item deux mères sous poil brun et blanc, l’une âgée de neuf à dix ans et l’autre de trois, prisées estimées les deux à soixante livres;
Item deux taures l’une sous poil rouge et blanc et l’autre sous poil noir, âgées d’un an et demi, dont une prisée vingt-deux livres et l’autre prisée estimée vingt livres;
Item une autre taure d’un an ou environ, prisée estimée à la somme de quinze livres;
Item deux brebis mères, prisées estimées à quatorze livres la pièce, fait vingt-huit livres;
Item cinq oies, prisées estimées à vingt-cinq sols pièce, font six livres cinq sols;

[...]

vendredi 2 décembre 2011

Jeanne Badeau, chef de famille

Jeanne Badeau a commencé à représenter son époux, Pierre Parent, pour les contrats concernant la carrière Parent au début de la décennie 1670. Avec les années, son engagement dans la gestion de la carrière a pris de l’importance et au milieu des années 1680, elle signait tous les contrats de livraison de pierre et de chaux. Par exemple, à la suite de l'incendie survenu au mois d'octobre 1686 qui a détruit leur monastère, les Ursulines doivent rebâtir. Ainsi, « Reverende Mere Marie de Jesus Superieure des Dames Religieuses du monastere de Ste Ursule des Ursulines de Cette ville et Anne de Saint Agnes depositaire dudt monastere » signent avec Jeanne Badeau, dans le parloir extérieur de leur couvent, un contrat d'approvisionnement de pierres et de chaux pour des travaux de maçonnerie à faire effectuer à leur monastère. Jeanne promet de faire livrer, pendant l'été qui vient, toute la pierre et toute la chaux nécessaires. Les ursulines paieront les sommes de 100 sols pour chaque pipe de chaux, 24 livres pour chaque chaloupée de pierres de taille et de 17 livres pour chaque chaloupée de pierres communes. Jeanne accepte de recevoir les sommes dues moitié en argent et moitié en marchandises (1).

L’implication de Jeanne dans la conduite des affaires de la famille ne s’est pas limitée à l’exploitation de la carrière. En 1687, elle négocie les conditions d’apprentissage du triplet Jean qui souhaite apprendre le métier de maçon et devenir, éventuellement, entrepreneur d’ouvrages de maçonnerie. Le 11 avril 1687, elle s'entend avec Claude Baillif, le plus important architecte de Québec. Celui-ci accepte de prendre Jean Parent comme apprenti pour une période de cinq ans, Baillif s'engage à former le jeune homme dans les métiers liés à la construction. Il le nourrira et l'entretiendra pendant la durée du contrat. De plus, il lui versera une somme de 150 livres, une moitié en argent et une moitié en billets (2).

Le 17 janvier 1688, Jeanne négocie avec Marie-Madeleine Pelletier veuve de défunt Nicolas Cliche, serrurier. Elle loue leur maison située sur le rue de la Montagne pour son fils Joseph l’aîné. Pierre Parent ratifie le contrat le 21 janvier (3). Le 21 mars 1694, deux des triplets, Jean et Étienne Parent, achètent de Claude Baillif un emplacement de 20 pieds de front dans la Basse-Ville de Québec et leur mère accepte la vente au nom de ses fils encore mineurs et cautionne leur acquisition. (4). Trois jours plus tard, le notaire Duprac s'amène chez Pierre Parent qui ratifie l'acte d'achat (5).

Un contrat notarié rédigé au mois de décembre 1691 résume bien la situation de la famille Parent. Dans ce cas-ci, Jeanne Badeau vient en aide à son fils Michel et à son associé et beau-frère, Joseph Rancourt. Rancourt a épousé Marie Parent, veuve de David Corbin, le 5 février 1685. Dans ce contrat le notaire qualifie de ces mots Jeanne Badeau : « Jeanne Badault femme de Pierre Parent habitant de Beauport Laqdte femme declarant faire Et gerer leur affaire de leur communeauté». Michel et son beau-frère construiront une chaloupe (6). 

Ces quelques cas ne représentent que la pointe de l'iceberg. Depuis le début de la décennie 1680, Jeanne est presque toujours celle qui parle au nom de la famille tant chez les notaires que devant les tribunaux. Les mots utilisés par le notaire Rageot en 1691 ne laissent pas de place à l’équivoque. À Québec et à Beauport, tous savent que Jeanne Badeau assume dorénavant la gestion des affaires de la famille Parent.

1. BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 4 février 1688.
2. BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 11 avril 1687.
3. BAnQ. Minutier de Gilles Rageot, le 17 janvier 1688.
4. BAnQ, Minutier de Louis Chambalon, le 21 mars 1694.
5. BAnQ, Minutier de Jean-Robert Duprac, le 24 mars 1694.
6. BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 12 décembre 1691.

vendredi 25 novembre 2011

Tourner un taureau

Les concitoyens de Pierre Parent apprécient son travail. Son expertise ne se limite pas à l’abattage d’animaux et au découpage des carcasses. En effet, parallèlement à son métier de boucher, Pierre est sollicité par ses concitoyens pour réaliser une opération d’un autre genre, soit tourner des taureaux. Il semble bien qu’on lui demande assez régulièrement de réaliser cette opération et cette activité lui rapporte un revenu d’appoint non négligeable.

Par exemple, à l’été 1677, le livre de comptes du Séminaire de Québec indique qu’on doit une somme de 30 livres à Pierre Parent pour avoir tourné 15 taureaux au cours de l’hiver et du printemps précédents. En 1678, ce même livre de comptes indique que Pierre leur doit une somme de 4 livres. Dans ce cas-ci, il s’agit de rembourser une somme d’argent payée en trop car, il n’a tourné que 5 taureaux au lieu de 7 comme il était prévu. D’après les chiffres rapportés, on peut calculer que, dans les années 1675 à 1683, Pierre exige une somme de 2 livres pour tourner un taureau.

Pierre n’est pas avare de ses connaissances et il a transmis son savoir à un de ses fils. Vers 1688, le meunier Pierre Simon dit Delorme fait appel aux services de la famille Parent. Le meunier est installé à la côte Saint-Michel, à Sillery, près de Québec. Dans son livre de comptes, il souligne qu’il a payé une somme de 30 sous au fils Parent pour avoir tourné son taureau. On ignore le prénom du fils Parent (1). Au mois d’août 1693, le livre de comptes du Séminaire de Québec indique que la ferme du moulin à scie du Séminaire de Québec a payé la somme de 9 livres à André Parent pour avoir tourné des taureaux; le nombre de bêtes n’est pas précisé.

Mais que signifie l’expression tourner un taureau ? Dans certaines régions de France, comme dans les anciennes provinces de l’ouest, particulièrement l’Aunis et la Saintonge, tourner est utilisé dans le sens de châtrer (2). Ce terme apparaît aussi dans l’est de la France, dans la Lorraine et la Franche-Comté, et dans le Centre. Comme Pierre Parent est vraisemblablement originaire de la Saintonge, il n’est pas étonnant que ce verbe soit utilisé d’après le sens qu’il lui connaît depuis toujours. Ce terme aurait franchi les ans car, au Québec, le dictionnaire Glossaire du parler français au Canada rapporte le terme « tourneux » qui définit une personne dont le métier consiste à châtrer les animaux (3).

1. Marcel Juneau et Claude Poirier, Le livre de comptes d’un meunier québécois (fin XVIIe – début XVIIIe siècle), Québec, Les Presses de l’université Laval, 1973, p. 32.
2. op. cit. p. 156.
3. Glossaire du parler français au Canada, Québec, Les Presses de l’université Laval, 1968.

vendredi 18 novembre 2011

Boucher de père en fils

Deux des fils de Pierre Parent vont pratiquer le métier de boucher : Jacques, le fils aîné, et André.

Jacques exerce cette profession pendant quelques années au milieu de la décennie 1680. En effet, au mois d’avril 1685, avec Germain Langlois, habitant du Bourg-Royal et ancien domestique de Pierre Parent, Jacques Parent forme une société pour exploiter une boucherie. Le travail en association est bien établi chez les bouchers de Québec, et on peut souligner que Pierre Parent fut l’un des premiers à amener cette façon de faire dans cette confrérie. L’association entre Jacques et Germain Langlois débute le jour de Pâques 1685 pour une durée d’un an. Chaque mois, ils examinent la situation financière de leur commerce et se rendent mutuellement des comptes sur le bon fonctionnement de leur boucherie sur le plan tant de l’achat des bestiaux que des frais liés à une telle exploitation. Les deux associés investissent chacun une somme de 100 livres pour démarrer la société en effectuant un achat de bestiaux (1).

Comme beaucoup de nouveaux commerçants, les deux associés manquent d’argent pour lancer leur entreprise. Ainsi, la même journée, pour remédier à cette situation, ils signent un pacte avec Jacques Defay, marchand de Québec. Ce dernier promet de leur fournir, en billets payables en marchandises, jusqu'à concurrence de 300 livres pour leur permettre d’acheter des bestiaux afin d’assurer le bon fonctionnement de leur boucherie. Les deux bouchers rembourseront le prêt en trois versements : le premier au mois d’août suivant, le deuxième au début du mois d’octobre et le dernier à Pâques de l’année suivante (2).

Leur nouvelle carrière débute sur une bonne note, car les deux nouveaux bouchers obtiennent un contrat de fourniture de viande de bœuf avec l’hôpital l’Hôtel-Dieu de Québec. Habituellement, l’Hôtel-Dieu achète directement les animaux de boucherie auprès des habitants. Occasionnellement, il fait appel aux services des bouchers de la ville pendant les chaudes périodes de l’été où la viande se conserve difficilement. À certains moments, les religieuses doivent écouler un surplus de viande qu’elles perdraient de toute façon et, pour ce faire, elles ont recours aux bouchers. Ainsi, de 1685 jusqu’au 11 mars 1686, Jacques Parent et Germain Langlois fournissent 2950 livres de viande de bœuf et 58 livres de suif fondu. En 1686, ils vendent 1480 livres de bœuf et trois quartiers de mouton (3).

Bien qu’ils soient favorisés par ce contrat avec l’Hôtel-Dieu, les deux bouchers souffrent d’un manque de numéraire. Pour mener à bien leur projet de boucherie, il faut acheter des bêtes à cornes et toutes les rentrées d’argent sont bienvenues. Ainsi, Jacques accepte avec satisfaction la somme d’argent que sa belle-mère avait promis de verser d’après les clauses de son contrat de mariage. Au mois de janvier 1686, Jacques Parent reconnaît avoir reçu une somme de 157 livres « en deduction de la somme de deux cent cinquante livres porté en son contract de mariage d’entre luy et LouiSe chavalier sa femme ». Jeanne Langlois, veuve de René Chevalier, donne une quittance à son gendre (4). Finalement, après quelques années de vaillants efforts, Jacques abandonne ce métier à la fin de la décennie 1680.

Encouragé par le savoir-faire de son père et de son frère, André Parent s’essaie à ce métier au cours de la même période. Ainsi, à l’été 1686, une transaction nous en informe. Pierre Lemoine, habitant de Batiscan, vend un bœuf à André Parent, maître boucher de Québec, pour une somme de 61 livres « le tout payable quinze livres en argent escu et le restant en marchandises et le tout vers le mois d’aoust audt vendeur ou a son ordre (5) ». En 1687, quand François Genaple se rend faire le procès-verbal d’alignement de la propriété d’André par rapport à celles de ses voisins, on précise qu’il pratique le métier de boucher.

Vers 1688 – il est impossible, malheureusement, d’être plus précis – , le meunier Pierre Simon dit Delorme fait appel aux services de la famille Parent. Le meunier est installé à la côte Saint-Michel, à Sillery, près de Québec. Dans son livre de comptes, il souligne qu’il a payé une somme de 30 sous au fils Parent pour avoir « tourné son taureau » (6). (L’explication de cette expression fera l’objet du prochain commentaire). La monnaie connue sous le nom de sou correspond à une pièce de cuivre qui vaut 12 deniers, soit l’équivalent d’un sol. On ignore le prénom du fils Parent, mais il peut vraisemblablement s’agir d’André. Au mois d’août 1693, le livre de comptes du séminaire de Québec indique que la ferme du moulin à scie du séminaire de Québec a payé la somme de 9 livres à André Parent pour avoir tourné des taureaux; le nombre de bêtes n’est pas précisé (7). Sa vie durant, André pratiquera sporadiquement le métier de boucher.


1. BAnQ. Minutier de Gilles Rageot, le 9 avril 1685.
2. BAnQ. Minutier de François Genaple, le 9 avril 1685.
3. François Rousseau, L’œuvre de chère en Nouvelle-France. Le régime des malades à l’Hôtel-Dieu de Québec, Québec, Les Cahiers d’histoire de l’Université Laval, no 29, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1983, p. 135-136.
4. BAnQ. Minutier de Paul Vachon, le 18 janvier 1686.
5. BAnQ. Minutier de Claude Maugue, le 24 juin 1686.
6. Marcel Juneau et Claude Poirier, Le livre de comptes d’un meunier québécois (fin XVIIe – début XVIIIe siècle), Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1973, p. 32.
7. Ibid., p. 156.

vendredi 11 novembre 2011

Jeanne Badeau et sa mère se fâchent

En cet après-midi du 25 mars 1667, François Allard, engagé d’Anne Ardouin, la veuve de Jacques Badeau, a invité ses amis à venir chez sa patronne pour boire de l’eau-de-vie. Ses amis sont les engagés de des voisins. Ainsi, Germain Langlois, engagé de Pierre Parent, Pierre Dumesnil, engagé du seigneur de Beauport, Robert Giffard, se retrouvent, avec d'autres dont Denis Avisse et Mathurin Cardin, sirotant l’alcool fourni par Allard et discutant à bâtons rompus. Dumesnil est présent car Allard lui doit de l’argent et c’est de cette façon qu’il rembourse sa dette.

À un certain moment, on en vient à parler des cochons qui se promènent en toute liberté et qui vont dans les prairies de la commune du seigneur de Beauport mangeant parfois des récoltes. Langlois apostrophe Dumesnil. Il lui rappelle que l’automne dernier, il avait chassé sans ménagement les cochons appartenant à Pierre Parent qui s’étaient aventurés sur les terres du seigneur de Beauport, l’accusant même d’en avoir tué un. Dumesnil réplique à Langlois et le ton monte. On en vient aux coups. Au même moment, Anne Ardouin, revenant de la grange où elle avait nourri ses animaux, entre dans sa maison. Voyant la scène, elle décide d’intervenir. C’est la bousculade. Tout ce vacarme alerte sa voisine qui demeure tout près; il s’agit de sa fille Jeanne Badeau. Inquiète, elle se rend chez sa mère armée de son balai. Arrivant sur les lieux, elle n’hésite pas. Jeanne donne quelques coups de bâton à Dumesnil avec « un baSton gros comme le poulce » et Anne Ardouin le gifle. Dumesnil quitte les lieux et se rend immédiatement au manoir de son maître qui est absent. L’épouse de Giffard rabroue son domestique,

Furieux, celui-ci choisit de porter l’affaire devant les tribunaux. Le tribunal seigneurial a condamné sévèrement Germain Langlois, Anne Ardouin, veuve de Jacques Badeau, et sa fille Jeanne Badeau. Ils portent en appel un jugement rendu contre eux, le 3 mai 1667, à la suite de la plainte émise par Pierre Dumesnil. L’appel des défendeurs, devant le tribunal de la prévôté de Québec, est entendu le 30 juin.

Racontant les faits au juge de la prévôté, Pierre Dumesnil affirme avoir été maltraité par Germain Langlois, Anne Ardouin et sa fille Jeanne à la suite d'une querelle concernant la liberté de laisser aller leurs cochons sur la grève comme le veut la Coutume de Paris, selon leurs prétentions. Le domestique explique que son maître lui avait ordonné de chasser les cochons de ses prairies qui ont été défrichées au-dessus de la marée. Ces prairies sont clôturées, les grains protégés des animaux et les bêtes ne peuvent y aller. Bien qu'il ait voulu défendre la propriété de son maître, Dumesnil ajoute que Giffard n'a pris et n'a voulu prendre aucun intérêt dans cette affaire.

La querelle finie, Dumesnil « Se Seroit retiré Sans autre blessure que d’avoir le nez plein de sang Et un petit coup contre l’œil por sestre coigné contre la Cheminée ». Comme Pierre Dumesnil « n’a point Esté Incommodé pour quitter Ses travaux ordinaires » le juge annule la condamnation précédente envers Germain Langlois, Anne Ardouin et Jeanne Badeau, sa fille. La sentence du 3 mars 1667 était lourde conséquences, En effet, les accusés devaient aller demander pardon à genoux au sieur Robert Giffard et payer 129 livres de dépens et intérêts civils. Au lieu de cela, le juge de la prévôté les condamne ensemble à 20 livres d'amende, soit moitié aux pauvres de l'hôpital et moitié à Dumesnil.

Rappelons qu’en ce 25 mars 1667, Jeanne Badeau est enceinte de près de neuf mois. Elle accouchera le 29 mars de son sixième enfant.

Pour lire le jugement du 30 juin 1667 dans son intégralité, voir la transcription réalisée par Guy Perron (1).

1. Guy Perron, La Prévôté de Québec, transcription des volumes 1 et 2 (registres civils), 2 septembre 1666 au 26 octobre 1668, tome I, Longueil, Les éditions historiques et généalogiques Pépin, collection « Notre patrimoine national » no 220, 2002. p. 80.

vendredi 4 novembre 2011

La maison de la rue Sault-au-Matelot

Au mois de mars 1672, Pierre Parent et Michel Lecourt, marchand et boucher demeurant à Beauport, décident de travailler en association. Leur partenariat se renforce par l'achat d'un terrain à la Basse-Ville de Québec. Jean Dedouyt, prêtre du séminaire de Québec et représentant les marguilliers de la paroisse de L'Ange-Gardien sur la côte de Beaupré, leur vend un emplacement situé au bas du « Sault au Mathelot » de 25 pieds par 48 pieds pour une somme de 300 livres payable en deux versements de 150 livres chacun, à faire aux deux prochaines fêtes de la Saint-Jean-Baptiste (1).

En se lançant dans un tel projet, les deux associés s'engagent dans une ère de développement de leurs commerces. Parent et Lecourt voient grand. Ils veulent construire une maison rue Sault-au-Matelot. À l'automne 1672, ils se considèrent prêts à passer à l'action. Lecourt se rend chez le notaire Rageot en compagnie de Jeanne Badeau; Pierre est absent. Ils engagent Jean Langlois, charpentier de Québec. Celui-ci construira sur leur terrain une maison de 20 pieds de largueur « de dedans en dedans » et de 25 pieds « de dehors en dehors », avec des poutres installées de telle sorte qu'on pourra éventuellement construire une galerie. Chaque mur aura une épaisseur de deux pieds et demie. La carrière Parent et Lecourt fournira la pierre et la chaux pour l'érection des murs.

Les travaux de Langlois, pour lesquels il recevra une somme de 200 livres plus 6 litres de vin du marché, devront être terminés à la fin du mois de juin 1673 (2). La présence de Jeanne Badeau à la signature de ce contrat montre bien le rôle de premier plan qu'elle joue dans la gestion des affaires de la famille, et cet état de fait ne fera que s'amplifier dans les années suivantes. Lecourt quitte Québec en 1678. Pierre est maintenant le seul propriétaire de la maison.

Le 18 avril 1681, en association avec son voisin Antoine Caddé, la maison de la rue Sault-au-Matelot subit une transformation. Les deux voisins fourniront tous les matériaux nécessaires pour édifier, en maçonnerie, un pignon qui reliera leur maison respective, et feront ériger un mur mitoyen. Cette nouvelle construction comprendra quatre cheminées, deux du côté de Pierre Parent et deux du côté d'Antoine Caddé (3).

La maison de Québec détruite par un incendie


En 1688, un incendie a détruit la maison Parent située rue Sault-au-Matelot. Ce renseignement provient de deux jugements : le premier devant le tribunal de la Prévôté de Québec et le second devant celui du Conseil souverain. Le 22 décembre 1688, Pierre Parent, demandeur, se présente au tribunal de la Prévôté face au locataire de sa maison de la Basse-Ville, Joseph Prieur. Prieur doit se défendre : il déclare que « […] Sy la maison quil avoit Loüé du demandeur a esté Incendiée Il n y a point Eu de sa faute […] ». La sentence tombe, lourde d'impact. Elle condamne Prieur à payer au demandeur la valeur de la maison incendiée (4). Prieur en appelle de la sentence devant le Conseil souverain. Dans la cause du 31 janvier 1689, le Conseil souverain, considérant le fait que Pierre a pu récupérer les madriers, les planches et tout ce qui peut avoir été sauvé de la dite maison incendiée, tempère le premier jugement rendu en décembre dernier. Finalement, Prieur est condamné à ne payer qu'une somme de 120 livres (5).

Auparavant cette maison avait été louée à Pierre Desmaisons, tailleur de pierres et maçon, comme nous l'apprend un jugement formulé par la Prévôté de Québec le 11 août 1688 dans lequel le juge lui ordonne de payer la somme de 12 livres et 10 sols pour le loyer de la maison Parent (6). Donc, entre le 11 août et le 14 novembre 1688, date de signature d’un contrat de construction avec Guillaume Jourdain (7), un incendie a détruit la maison du couple Parent-Badeau.

La construction de la nouvelle maison est confiée à Guillaume Jourdain. Le couple Parent-Badeau trouve la charge financière qui y est associée trop lourde. À l'automne 1689, une entente est négociée avec un partenaire, Étienne Charest, tanneur, qui demeure dans la seigneurie de Lauzon. Jeanne Badeau, au nom de son mari, cède « La moytié du pignon d une maison quelle fait construire dans cette ville », rue du Sault-au-Matelot, pour une somme correspondant à la moitié du coût de construction. De plus, Charest donnera 90 livres à Jeanne pour qu'elle fasse ériger par son maçon deux cheminées au-dessus d'un porche que Charest va faire construire dans une ruelle avoisinante et 60 livres pour la pierre de taille nécessaire pour les jambages des cheminées (8).

Au cours des années 1690 et 1700, Pierre Parent et Jeanne Badeau louent cette maison. Les héritiers de Pierre Parent et Jeanne Badeau demeurent propriétaires de la maison jusqu'en 1712. Au mois de juillet de cette année-là, ils la vendent à leur locataire, Jean Duprat, moyennant une somme de 8 600 livres (9). Duprat, maître boulanger, meurt le 19 octobre 1717. Sa veuve, Élisabeth Marchand, se remarie avec Jean Aubin Delisle le 17 septembre 1719, à Québec. À la suite du décès de la dame Marchand le 7 mars 1726, Aubin Delisle procède à l'inventaire des biens de leur communauté dans lequel on trouve une description de la maison de la rue Sault-au-Matelot. Le notaire Barbel écrit qu'il s'agit d'un emplacement qui mesure 40 pieds de front par 56 pieds et demi de profondeur sur lequel est érigé une maison de pierre à trois étages avec une largeur de 30 pieds sur la rue et une profondeur de 40 pieds (10).

D’après mes recherches, cet emplacement serait aujourd’hui occupé par l’Hôtel 71.


(1) BAnQ, Minutier de Romain Becquet, le 27 mars 1672.
(2) BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 20 octobre 1672
(3) BAnQ, Minutier de Michel Fillion, le 18 avril 1681.
(4) BAnQ, La Prévôté de Québec (registres civils), vol. 25, folio 177v.
(5) JDCS, vol. III, 1887, p. 289-290.
(6) BAnQ, La Prévôté de Québec (registres civils), vol. 25, folio 60r.
(7) BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 14 novembre 1688.
(8) BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 4 octobre 1689.
(9) BAnQ, Minutier de Florent Lacetière, le 17 juillet 1712.
(10) BAnQ, Minutier de Jacques Barbel, le 6 avril 1726.

vendredi 28 octobre 2011

Le tremblement de terre de 1663

Le début de l'année 1663 en Nouvelle-France demeure mémorable pour une très bonne raison : c'est l'année du tremblement de terre qui modifie substantiellement le paysage de la région. On le qualifie d'extraordinaire. La secousse sismique ébranle toute la vallée du Saint-Laurent. Il est difficile d'en évaluer l'intensité mais les témoins de l'époque rapportent un phénomène d'importance.

Extrait des Relations de Jésuites (1)
Ce fut le cinquiéme Fevrier 1663. sur les cinq heures & demie du soir, qu'un grand brouïssement s'entendit en mesme temps dans toute l'estenduë du Canadas […]. On fut bien surpris de voir les Murailles se balancer, & toutes les pierres se remüer, comme si elles se fussent détachées […] la terre bondissoit faisant danser les pieux des palissades d'une façon qui ne paroissoit pas croyable […].

[…] L’on voit de nouveaux lacs où il n’y en eut jamais; on ne voit plus certaines montagnes qui sont engouffrées; plusieurs saults sont applanis; plusieurs rivières ne paroissent plus; la terre s’est fendue en bien des endroits, et a ouvert des précipices dont on ne trouve point le fond enfin, il s’est fait une telle confusion de bois renversez et abysmez, qu’on voit à présent des campagnes de plus de mille arpents toutes rases. Et comme si elles estoient tout fraîchement labourées, là où peu auparavant il n’y avoit que des forests[…]

Ce Tremble-Terre tres remarquable […] ayant continué iusques dans le mois d'Aoust, c'est à dire plus de six mois : il est vray que les secousses n'estoient pas toujours également rudes.

La crainte provoquée par les secousses sismiques réveille sûrement des dévotions oubliées chez bien des habitants, car Pierre, en cette année 1663, fait un don de 40 sols à l'église de Sainte-Anne-de-Beaupré, comme le montre le registre de «l'Estat des dons et oblations faicts à l'Eglise de Ste Anne du petit Cap en L'annee 1663 ». Il s'agit d'un don qui se situe dans la moyenne des sommes rapportées par le registre de cette église (2).

D’autres phénomènes extraordinaires ont été observés en Nouvelle-France en 1663. Le père Lallemant, le rédacteur des Relations des jésuites, écrivait que, le 7 et le 14 janvier, trois soleils était apparus dans le ciel et que ce spectacle avait duré près de deux heures.

1. Relations des Jésuites 1656-1665 contenant ce qui s’est passé de plus remarquable dans les missions des Pères de la Compagnie de Jésus dans la Nouvelle-France, tome 5, Montréal, Éditions du Jour, 1972, année 1663, p. 3-5.
2. Rapport des Archives du Québec, tome 45, Québec, 1968, p. 183.

vendredi 21 octobre 2011

Québec : le grand incendie de 1682

La prospérité économique de la ville de Québec subit un brusque arrêt au mois d'août 1682 non pas à cause d'une conjoncture économique difficile ou de plusieurs années de mauvaises récoltes mais parce qu'un gigantesque incendie détruit presque toute la Basse-Ville de Québec. Les religieuses de l'Hôtel-Dieu de Québec décrivent cette tragédie et rapportent que toutes les maisons de la Basse-Ville furent détruites à l'exception de celle de Charles Aubert de Lachesnaye (1).

Extrait des Annales de l'Hôtel-Dieu
Le feu prit a une maison de la basse Ville, et comme elles etoient fort combustibles, nêtant bâtis que de bois, et la saison fort seche, le feu se communiqua si vite qu'en peu de temps toute la ville se trouva reduite en cendre, c'êtoit le 5e d'août, fete de Notre Dame des Neges, a dix heures du soir. Nous nous eveillâmes aux cris effroyables que nous entendîmes dans le voisinage, et nous ne fûmes pas peu allarmees de voir qu'il faisoit aussy clair chez nous qu'en plein midy […] Il n'y eût dans toute la Basse Ville que la maison de monsieur Aubert de la Chenaye qui fut sauvée de cet embrasement.

Comme la rédactrice des Annales de l'Hôtel-Dieu a décrit ces faits plusieurs années après l'événement, il faut apporter une correction : l'incendie a débuté dans la soirée du 4 août pour se terminer le lendemain matin (2). De plus, il n’y a pas seulement la maison du sieur de Lachesnaye qui fut épargnée, La maison de Pierre Parent, rue Sault-au-Matelot, a aussi échappé aux flammes.

Quand le nouveau gouverneur Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre et l'intendant de Meulles débarquent à Québec en septembre, force leur est de reconnaître l'ampleur de la catastrophe (3).

Lettre de l'intendant de Meulles au ministre du 6 octobre 1682
[…] apres soixante et dix huit jours de navigation nous Sommes arrives en Cette Ville ou nous avons trouvé une Consternation Universelle causée par Un incendie presque de toute la basse Ville de Quebek, on y compte Cinquante et tant de maisons bruslées dont la pluspart consistoient en grands magasisns qui Servoient pour descharger toutes les marchandises qui viennoient de France […].

Ainsi, le nouveau gouvernement est confronté à des situations d'urgence dont celle de rétablir une voie de communication entre la Basse-Ville et la Haute-Ville. Le gouverneur Lefebvre de La Barre est conscient de cette urgence et il écrit le 14 novembre 1682 : « Je vous marque icy l'incendie de la basse ville de Quebec dont j'ay deja eut l'honneur de vous escrire, il faut songer a faire restablir le chemin qui montant à la haute ville, c'est un ouvrage pour monsieur l'Intendant». (4)

Comme une forte concentration d'entrepôts de fournitures sont localisés à la Basse-Ville de Québec, plusieurs marchands ont subi de lourdes pertes. Conjugué à la reprise de la guerre avec les Iroquois, le déclin de la bonne fortune de Charles Aubert de Lachesnaye débuterait avec ce drame (5). D'ailleurs, le gouverneur Lefebvre de La Barre, associé à Aubert de Lachesnaye, le signale dans une lettre du 4 novembre 1683 adressée au ministre Colbert (6).

Lettre de Joseph-Antoine Lefebvre de La Barre à Colbert du 4 novembre 1683
Je suis conscience obligé de vous rendre compte des grands secours que le sieur de la Chesnayes rend au pays; l'incendie de la basse ville est presque réparée par le delay qu'il a donné à ses débiteurs et ce qu'il a pressé aux plus pauvres il avoit soustraitte cy devant des dettes de l'ancienne Compagnie de la ferme de Canada; ces Messieurs le pressent sans relâche et comme les effects subsistent toujours, il seroit bien juste qu'il plust a Sa Majesté de proroger le temps de ces payements de deux ou trois années afin que dedans la misere de ce grand accident il ne fut pas.

1. Les Annales de l’Hôtel-Dieu de Québec 1636-1716, composées par les révérendes mères Marie-Jeanne-Françoise Juchereau de Saint-Ignace et Marie-André Duplessis de Sainte-Hélène, Québec, Hôtel-Dieu-de-Québec, 1984, p. 202-203.
2. Pierre-Georges Roy, « Les conflagrations à Québec sous le régime français », Bulletin des recherches historiques, vol. 31, no 3, 1925, p. 73.
3. Lettre de l’intendant de Meulles au ministre, Archives nationales du Canada, cote MG1-C11A, vol. 6, folio 79-80.
4. Pauline Dubé, La Nouvelle-France sous Joseph-Antoine Le Febvre de La Barre. Lettres, mémoires, instructions et ordonnances, Sillery, Septentrion, 1993, p. 60.
5. Québec ville et capitale, sous la direction de Serge Courville et Robert Caron, collection « Atlas historique du Québec », Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2001, p. 82.
6. Pauline Dubé, op. cit., p. 108.

vendredi 14 octobre 2011

Après le décès de Pierre Parent

Après le décès de Pierre Parent survenu le 5 août 1698, il faut nommer un tuteur aux enfants Parent encore d'âge mineur. Comme l'a écrit le notaire, le 22 août, six des frères Parent, soit « Estienne Jean et Joseph tout trois jumeaux ages de vingt trois a vingt quatre ans, Charles agé de vingt deux ans Claude agé de vingt ans et Antoine parent agé de quinze ans », accompagnent leur mère dans une assemblée convoquée pour élire ce tuteur. Leurs beaux-frères – Jean Baugis et Michel Chevalier – assistent également à la rencontre, de même que leur oncle, Jean Badeau. Avancée en âge, Jeanne refuse d'assumer ce rôle. L'assemblée élit Pierre Parent fils comme tuteur et Jean Baugis, subrogé tuteur (1).

Puisque la Coutume de Paris veut que la moitié des biens du père aille aux enfants, un inventaire doit être préparé pour évaluer les biens de la communauté Parent-Badeau. Le 16 octobre suivant, tous les enfants Parent, à l'exception de Michel, se réunissent avec leur mère à la maison paternelle. Le notaire Jean-Robert Duprac va procéder à l'inventaire des biens de la communauté entre Pierre et Jeanne. Il s'agit d'un inventaire d'importance par sa durée, car commencé le 16, il ne se termine que le 18, mais aussi par la quantité de matériel énuméré, car il couvre 19 pages du minutier (2).

Ce volumineux acte notarié procure une mine de renseignements sur la situation matérielle de la famille Parent. On apprend qu'elle habite une maison de maçonnerie – l'exploitant d'une carrière se doit de donner l'exemple – de deux chambres avec une autre petite pièce qui sert de fournil. Malheureusement, l’inventaire ne précise pas les dimensions de la maison familiale. Les bâtiments habituels qu'on rencontre sur une ferme, soit une étable et une grange, complètent les biens immeubles. La composition du cheptel va comme suit : neuf cochons dont cinq adultes et quatre porcelets; neuf têtes de bétail composées de quatre jeunes bœufs, deux vaches et trois taures; deux brebis et cinq oies. En 1698, Pierre possédait environ 80 arpents de terre en labour et pacage et 10 arpents en prairie. Si on compare le cheptel de 1698 à celui de 1681, on note une forte diminution du nombre d’animaux.

Les dettes énumérées dans ce document nous apprennent que Pierre a été malade un certain temps, car la succession doit une somme de 350 livres à Gervais Baudoin, chirurgien à Québec. Globalement, Pierre Parent doit une somme de 1548 livres à divers créanciers et on ne lui doit qu’un maigre 28 livres. Pierre possède aussi une grande maison située rue Sault-au-Matelot, en la Basse-Ville de Québec. Cette maison sera le sujet d’un prochain commentaire.

1. BAnQ, Minutier de Charles Rageot de Saint-Luc, le 22 août 1698.
2. BAnQ, Minutier de Jean-Robert Duprac, le 16 octobre 1698.

vendredi 7 octobre 2011

Les engagés de Pierre Parent

Beaucoup de nouveaux arrivants en Nouvelle-France sont connus comme étant des engagés. De façon générale, l’engagé signe un contrat de trois ans envers un seigneur, une communauté religieuse, un riche marchand ou, tout simplement, envers un habitant, mais un habitant qui possède quelque moyen. En effet, celui qui fait venir un engagé doit payer le voyage et il promet un salaire et doit loger et nourrir son engagé. À la fin de leur engagement, ces nouveaux migrants peuvent retourner en France et beaucoup le font. Ceux qui restent reçoivent gratuitement une terre. Ajoutons que certains engagés signent des contrats de cinq ans.

Pour Pierre Parent, le commerce du bœuf et le métier de boucher s'avèrent un succès. Toujours est-il qu’il juge sa situation financière suffisamment saine pour faire venir un engagé, à ses frais. En 1666, Pierre reconnaît devoir à Pierre Jamin, capitaine du navire Le Moulin d'or, la somme de 101 livres et 10 sols « tant pour passage, grosse advanture, que avance & nourriture fournies a pierre valliere; qu'il a Ce jour d'huy declaré audt pierre parant pour le Service en qualité d'engagé Suivant & Conformement au contrat d'engagment dudt valliere passé devant Langlois notaire Royal en la ville de la Rochelle Le quatorze mai» (1). Pierre s'engage à payer cette somme en pelleteries. Cette façon de faire ne doit pas surprendre car, dans la colonie,  le numéraire est rare. Ainsi, même en pratiquant le métier de boucher, Pierre tâte également du commerce de la fourrure.

Au recensement de 1667, un autre engagé travaille pour Pierre Parent, il s’agit de Germain Langlois. Une fois leur engagement terminé, Langlois et Vallière décident de demeurer en Nouvelle-France. En octobre 1671, Pierre Vallière devient père pour la première fois. Il s'est marié à Québec le 8 septembre 1670 avec Anne Lagou. Témoignant sa reconnaissance envers Pierre, il lui demande d'être le parrain de son fils qui portera le prénom de Pierre. Accompagné de Jeanne Bourgeois, l'épouse de son cousin André Coudret, Pierre Parent assiste au baptême.

Le 14 juillet 1675, Germain Langlois épouse Jeanne Chalifour et Pierre Parent est l'un des témoins. Comme les anciens engagés n'hésitent pas à faire appel à leur ancien patron tant pour le baptême d'un fils aîné dans le cas de Pierre Vallière ou comme dans ce cas-ci, pour un mariage, on peut présumer que Pierre et Jeanne les traitaient convenablement. Langlois pratiquera le métier de boucher à Charlesbourg.

En 1681, Il faut également souligner l'importance du nombre de domestiques dans la maison Parent. Considérant la superficie de ses terres, son métier de boucher et étant donné l'ampleur des marchés de livraison de pierres et de chaux qu'ont signés Pierre et Jeanne, cette domesticité répond à un besoin. Parmi eux, seul le devenir de Clément Mauger est connu; il est inhumé à Beauport le 13 mai 1695.
Le sort Mathurin Cardin, Élie Clarouin et Jacques Delaunay est inconnu. 

À titre de comparaison, Charles Aubert de Lachesnaye, peut-être le marchand le plus important de la Nouvelle-France, compte treize domestiques à son service.



1. BAnQ. Minutier de Romain Becquet, 12 octobre 1666.

vendredi 30 septembre 2011

Les recensements de 1667 et 1681

Plusieurs recensements ont été réalisés en Nouvelle-France mais seulement ceux de 1666, 1667 et 1681 ont été conservés. La famille de Pierre Parent a été oubliée dans le recensement de 1666. Le recensement de 1667 fournit les renseignements suivants sur la famille de Pierre Parent. Elle est composée de six enfants et deux domestiques, Pierre Vallière et Germain Langlois, qui habitent sous le toit de la famille Parent. De plus, Pierre déclare posséder trois bêtes à cornes et 15 arpents de terre en valeur.

La famille de Pierre Parent au recensement de 1667

Pierre Parent 50 ans, Jeanne Badeau 28 ans, Marie 12 ans, Jacques 10 ans, Pierre 8 ans, André 6 ans, Jean 3 ans, François 6 mois. Deux domestiques font aussi partie de la maisonnée : Pierre Vallière 20 ans et Germain Langlois 25 ans.

En 1681, les renseignements sur la famille de Pierre et Jeanne se résument à ceci : la famille possède 4 fusils, un pistolet, 18 bêtes à cornes, 24 brebis et 100 arpents de terre en valeur. Au lieu appelé « La Petite Auvergne » résident son cousin André Coudret et son gendre David Corbin.

La famille de Pierre Parent au recensement de 1681

Pierre Parent 55 ans,Jeanne Badeau 43 ans, Pierre 22 ans, André    20 ans, Jean 18 ans, Joseph 15 ans, Geneviève 12 ans, Michel 10 ans, Thérèse 8 ans, Joseph 7 ans, Jean 7 ans, Étienne 7 ans, Charles 6 ans, Claude 4 ans, Charlotte 3 ans. Avec la famille sont recensés 4 domestiques : Mathurin Cardin 55 ans, Clément Mauger 38 ans, Élie Clarouin 26 ans et Jacques Delaunay 38 ans.

La quantité de terres et d'animaux possédés par Pierre et Jeanne en ce recensement dépasse largement les valeurs déclarées en 1667. Il faut également souligner l'importance du nombre de domestiques dans la maisonnée. Les domestiques ou engagés de Pierre Parent feront l’objet d’un prochain commentaire.

Il faut noter que l’âge de la grande majorité des enfants Parent aux recensements de 1667 et 1681 ne correspond pas à leur année de naissance. Nous avons que Pierre le fils est né en octobre 1660, André en décembre 1662, Jean l’aîné en février1665, Joseph l’aîné en janvier1669, Geneviève en mars 1670, Michel en décembre 1671, Jeanne-Thérèse appelée Thérèse au recensement en octobre 1673, on ne connaît pas la date de naissance des triplets, Charles est né en novembre 1676, les dates de naissance de Claude et Charlotte sont aussi absentes des registres. L’âge de Pierre Parent et de Jeanne Badeau a déjà été discuté dans ce blogue.

vendredi 23 septembre 2011

La carrière Parent

On ignore à quel moment a débuté l’exploitation de la carrière Parent qui est située dans la seigneurie Notre-Dame-des-Anges tout juste à l’ouest de la rivière Beauport et qui est enclavée par les terres de Pierre Parent. En 1651, quand les jésuites vendent une concession à Jacques Badeau, le beau-père de Pierre Parent, il est précisé qu’ils se réservent l’usage de la carrière qui est située dans cette concession faisant en tout un terrain de 16 perches carrées (1).

En 1660, Pierre Parent achète les 16 perches carrées de terrain tout autour de la carrière (2) et le 9 décembre 1670, Pierre Parent signe le premier contrat dans lequel on fait mention de l’exploitation d’une carrière dans la seigneurie des jésuites. Pierre s’engage à fournir au riche marchand Charles Aubert de Lachesnaye autant de pierres et de chaux qu’il sera nécessaire pour la construction d’un agrandissement à sa maison de la rue Sault-au-Matelot en la Basse-Ville de Québec (3). Ce premier contrat marque le début d’une longue relation entre la famille Parent et cette carrière de Beauport.

En 1675, Pierre Parent et Jeanne Badeau s’engagent à livrer 50 toises de pierre de Beauport au séminaire de Québec (4). En 1678, le couple signe un nouveau contrat de livraison de pierres et de chaux au sieur de Lachesnaye qui agrandit encore sa maison et son entrepôt de la rue Sault-au-Matelot. Dans les décennies 1680 et 1690, le travail ne manque pas à la carrière Parent. En 1682, le riche marchand François Hazeur fait appel à leurs services (5).

Dans la décennie 1680, on constate, à la lecture des actes notariés impliquant la carrière Parent, que Jeanne Badeau dirige maintenant la destinée de cette entreprise. C’est elle qui, au nom de son époux, signe les contrats. Par exemple, en 1688, les ursulines de Québec font appel à leur ancienne élève. À la suite de l'incendie survenu au mois d'octobre 1686 qui a détruit leur monastère, il leur faut rebâtir. Ainsi, elles signent avec Jeanne Badeau, dans le parloir extérieur de leur couvent, un contrat d'approvisionnement de pierres et de chaux pour des travaux de maçonnerie à faire effectuer à leur monastère. Jeanne promet de faire livrer, pendant l'été qui vient, toute la pierre et toute la chaux nécessaires. Les ursulines paieront les sommes de 100 sols pour chaque pipe de chaux, de 24 livres pour chaque chaloupée de pierres de taille et de 17 livres pour chaque chaloupée de pierres communes. Jeanne accepte de recevoir les sommes dues moitié en argent et moitié en marchandises (6).

En 1706, leur fils Charles devient propriétaire de la terre paternelle et continue l’exploitation de la carrière. De génération en génération, les Parent vendent de la pierre de Beauport. Le nom Parent est associé à cette carrière jusqu’à la fin du XIXe siècle. En 2011, cette carrière existe encore et sa circonférence et sa profondeur n’ont rien à voir avec la carrière Parent du XVIIe siècle.

1. BAnQ. Minutier de Guillaume Audouart, le 7 avril 1651.
2. BAnQ. Minutier de Guillaume Audouart, le 14 avril 1660.
3. BAnQ. Minutier de Romain Becquet, le 9 décembre 1670.
4. BAnQ. Minutier de Romain Becquet, le 15 octobre 1675.
5. BAnQ. Minutier de Gilles Rageot, le 11 mars 1682.
6. BAnQ. Minutier de Gilles Rageot, le 4 février 1688.

vendredi 16 septembre 2011

Pierre Parent, fermier

Au recensement de 1667, Pierre déclare posséder 3 bêtes à cornes et 15 arpents de terre en valeur. À celui de 1681, la famille possède 4 fusils, un pistolet, 18 bêtes à cornes, 24 brebis et 100 arpents de terre en valeur. Pierre pratique le métier de boucher, mais il est aussi fermier. Au fil des ans, il a acheté plusieurs terres.

Tout débute en 1652 quand le gouverneur Jean de Lauson lui accorde une concession de terre sur la côte de Beaupré. Pierre devient censitaire de « quatre arpents de terre de front ou environ Sur le grand fleuve St Laurent chacun arpent estant de dix perches de front et de profondeur Jusques a une lieüe Et demie ». Afin de respecter les clauses reliées à la concession de terres, Pierre s'engage à tenir feu et lieu sur cet emplacement dans l'année qui vient (1).

Au printemps 1653, il vend une partie de sa terre à Gilles Bacon et Marie Tavernier, son épouse. L'acte notarié précise que Pierre Parent habite la côte de Beaupré (2). Ce marché fait long feu, car Bacon meurt le printemps suivant; il est enterré à Québec au mois de mars 1654. Mais Pierre est bel et bien décidé à quitter la côte de Beaupré. À l'automne de la même année, Pierre vend à Mathieu Hubou la concession obtenue l'année précédente; Hubou déboursera la somme de 300 livres pour son acquisition (3).

Pierre s’installe dans la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges où demeure la famille Badeau. Les jésuites lui accordent une concession de terre dans leur seigneurie le 31 mai 1654. Cette concession couvre une superficie de 60 arpents. Dans les conditions à remplir par le concessionnaire, ce dernier s’engage à clôturer les champs où son bétail ira paître et faire moudre ses grains au moulin banal. Il paiera une rente annuelle de trois livres tournois et de deux chapons vifs (4).

Le 7 octobre 1658, Pierre achète une terre située dans la seigneurie de Beauport appartenant à Zacharie Maheu et à Toussaint Giroux et son épouse, Marie Godard. Ces derniers avaient obtenu cette concession directement de Robert Giffard, seigneur de Beauport, le 30 juin 1654. Ce jour-là, Zacharie Maheu, Toussaint Giroux et René Maheu obtenaient une pièce de terre toute boisée qui est située entre la terre de Jacques Badeau et de Robert Drouin et celle du seigneur de Beauport (5). Malheureusement, cet acte notarié du 7 octobre 1658 n'existe plus dans les minutes du notaire Vachon. Nous apprenons son existence en 1698 lors de l'inventaire des biens de Pierre Parent, puis le 30 janvier 1706, quand le notaire rédige l'acte de vente des terres de Pierre Parent, décédé en 1698, à son fils Charles.

En 1659, on en apprend un peu plus sur les biens de la famille de notre ancêtre. Comme ils viennent tout juste d'acheter une terre, Pierre et son épouse vendent à Étiennette Després celle qu'ils possédaient déjà, soit la concession obtenue le 31 mai 1654 avoisinant la propriété des jésuites et celle de la dame Després. Cette dernière débourse la somme de 500 livres pour son acquisition, somme qu'elle paiera « en castors »(6).

Le 14 avril 1660, Pierre acquiert des jésuites une superficie de terre de 16 perches carrées. Cette terre avoisine une carrière, propriété des jésuites, et la terre des Badeau (7). Après le décès de sa belle-mère, les biens fonciers de la famille Badeau sont partagés entre les trois enfants : Jeanne, Jean et Suzanne Badeau. Pierre achète les parts d’héritage de Jean et Suzanne et devient ainsi propriétaire de la terre des Badeau (8). Pierre augmentera son domaine foncier par des achats de terre dans la seigneurie de Beauport le 14 novembre 1671, le 12 décembre 1672 et le 18 mars 1685.


1. BAnQ, Minutier de Guillaume Audouart, le 16 juillet 1652.
2. BAnQ, Minutier de Claude Auber, le 10 mars 1653.
3. BAnQ, Minutier de Guillaume Audouart, le 30 octobre 1653.
4. BAnQ, Fonds du ministère des Terres et Forêts, document E21,S64,SS5,SSS5,D12
5. BAnQ, Minutier de François Badeau, le 30 juin 1654.
6. BAnQ, Minutier de Guillaume Audouart, le 8 juillet 1659.
7. BAnQ, Minutier de Guillaume Audouart, le 14 avril 1660.
8. BAnQ, Minutier de Paul Vachon, le 8 février 1672.

vendredi 9 septembre 2011

Pierre Parent, boucher

Dans les actes officiels, on dit de Pierre Parent qu’il est boucher ou maître boucher. Ce métier l’amène à acheter des animaux. Le 9 septembre 1657, il achète un bœuf de Pierre Gagnon, habitant de la côte de Beaupré, pour la somme de 129 livres (1). En 1659, il achète de Robert Giguère un bœuf de trois ou quatre ans pour la somme de 75 livres. Une clause de ce contrat rappelle la rareté du numéraire, Pierre peut payer son dû en « castor, argent ou billets »(2).

En 1664, il comparaît devant le nouveau tribunal du Conseil souverain. Comme il fait le commerce des bœufs, sa réputation l'amène à jouer le rôle d'expert dans un litige opposant Guillemette Hébert et Mathieu Hubou. Notre ancêtre, en compagnie de Guillaume Leliepvre et Jacques Boissel, examine un bœuf qui aurait été blessé en étant au service d'Hubou. Se basant sur les constatations des trois experts qui considèrent qu'avant d'être blessé, le bœuf pouvait rendre « de bon service », le Conseil condamne Hubou à verser la somme de 180 livres à la demanderesse et, en retour, il pourra disposer du bœuf à sa convenance (3).

Au milieu de l'été 1669, Jean Juchereau, sieur de La Ferté, lui vend deux bœufs pour une somme de 200 livres (4).

Au mois de mars 1672, Pierre Parent et Michel Lecourt, tous deux marchands et bouchers demeurant à Beauport, décident de travailler en association. Leur partenariat se traduit par l'achat d'un terrain à la Basse-Ville de Québec. Jean Dedouyt, prêtre du séminaire de Québec et représentant les marguilliers de la paroisse de L'Ange-Gardien sur la côte de Beaupré, leur vend un emplacement de 25 pieds par 48 pieds situé au bas du Sault au Matelot, pour une somme de 300 livres payable en deux versements de 150 livres chacun, à faire aux deux prochaines fêtes de la Saint-Jean-Baptiste (5).

En se lançant dans un tel projet, les deux associés s'engagent dans une ère de développement de leurs commerces. Parent et Lecourt veulent construire une maison rue Sault-au-Matelot. À l'automne 1672, ils se considèrent prêts à passer à l'action. Lecourt se rend chez le notaire Rageot en compagnie de Jeanne Badeau; Pierre est absent. Ils engagent Jean Langlois, charpentier de Québec. Celui-ci construira sur leur terrain « une maison de Vingt pieds de largueur de dedans en dedans Et vingt cinq pieds de dehors en dehors » avec des poutres installées de telle sorte qu'on pourra éventuellement construire une galerie. Chaque mur aura une épaisseur de deux pieds et demie. Les travaux de Langlois, pour lesquels il recevra une somme de 200 livres plus 6 litres de vin du marché, devront être terminés à la fin du mois de juin de l'an prochain. Lecourt et son associé ont déjà payé 50 livres à Langlois avant le début des travaux (6). La présence de Jeanne Badeau à la signature de ce contrat montre bien le rôle de premier plan qu'elle joue dans la gestion des affaires de la famille, et cet état de fait ne fera que s'amplifier dans les années suivantes.

Parent et Lecourt s'intéressent également aux moutons. À l'été 1673, ils achètent « Cinquante bestes a layne » vendues et livrées par Philippe Varnier pour l'importante somme de 700 livres que les deux bouchers promettent de payer d'ici la fête de Saint-Michel (7). À la fin de ce même mois, Pierre est demandé comme expert pour aller examiner une vache dans un litige entre Michel Lecourt et les jésuites (8).

Pierre obtient le contrat pour approvisionner le séminaire de Québec en viande pour l'année 1677. Malgré ses nombreux démêlés avec la justice, il livre 10 311 livres de viande au séminaire en 1677 (9).

En 1676, les bouchers de la ville contestent une décision des autorités qui leur impose une rente pour l'utilisation de leur étal de boucher à la place publique de la Basse-Ville de Québec. Ce long débat débute au tribunal de la Prévôté de Québec le 30 octobre 1676 et se termine devant le Conseil souverain, le 27 juillet 1677. Les bouchers impliqués sont : Guillaume Guillot, Guillaume Julien, Michel Lecourt et Pierre Parent qui est représenté par son épouse.

À la suite de ce long débat, Pierre reste toujours actif comme boucher et il continue de faire le commerce d'animaux, mais il diminue ses activités. Le 4 mai 1686, Martin Prévost, de Beauport, lui vend deux bœufs  pour la somme de 124 livres (10). Le 20 juillet 1691, on apprend qu'un mois auparavant Pierre Parent a fait un échange d'animaux avec Paul Chalifour (11).

Ces quelques documents officiels traduisent en partie un des volets du métier que Pierre Parent a pratiqué toute sa vie. 

1. BAnQ, Minutier de Guillaume Audouart, le 9 septembre 1657.
2. BAnQ, Minutier de Guillaume Audouart, le 21 septembre 1659.
3. Jugements et délibérations du Conseil souverain, vol. I, Québec, 1885, p. 149-151 (le 29 mars 1664).
4. BAnQ, Minutier de Romain Becquet, le 29 juin 1669.
5. BAnQ, Minutier de Romain Becquet, le 27 mars 1672.
6. BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 20 octobre 1672.
7. BAnQ, Minutier de Romain Becquet, le 18 juin 1673.
8. Guy Perron, La Prévôté de Québec, transcription des volumes 5 et 6 (registres civils), janvier 1672 au 20 décembre 1673, tome III, Longueuil, Les éditions historiques et généalogiques Pépin, collection « Notre patrimoine national », no 234, 2002, p. 435.
9. Archives du séminaire de Québec, Manuscrit C2, p. 393-395.
10. BAnQ, Minutier de Claude Auber, le 4 mai 1686.
11. BAnQ, La Prévôté de Québec (registres civils), vol. 28, folio 119r.

vendredi 2 septembre 2011

Anne Ardouin

Il existe un acte de baptême au nom d’une Jeanne (Anne) Ardouin. Elle est née le 17 novembre 1617 et a été baptisée le 20, à La Rochelle, au temple Saint-Yon (1). Comme on n’a pas trouvé l’acte de mariage entre Jacques Badeau et Anne Ardouin, on ne peut être certain, hors de tout doute, qu’il s’agit de la même Anne Ardouin. S’il agit de la même femme, elle se serait mariée avant 1632, à l’âge de 13 ans, car son fils François Badeau a été baptisé le 10 août 1632.

Elle devient veuve en 1658. En 1662, nous savons que son gendre Pierre Parent est le fermier de ses terres. Un document rédigé par Jean Guyon, sieur du Buisson, arpenteur, confirme que Pierre Parent tient le rôle de fermier de la terre qu'occupe Anne Ardouin, dans la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges, près de la rivière Beauport (2).
Extrait du rapport de Jean Guyon
[…] Sur la ligne qui sépare les terres des Révérends pères Jesuitte d avec celles du sieur Giffard, et ay tiré une ligne de Nord est au Sudouest, Et sur icelle toutes les Concessions Mesurées selon quil est porté dans leurs Contracts, Et entre les Séparations des dites habitations, ay planté un pieux en attendant la comodité du temps propre; pour les dits habitants y faire planter Bornes, et tirer Leur alignemens qui sont au nord ouest.
[…] Et Commençant par la premiere habitation qui commençe par Anne ardouin veufve de feu Jacques Badeau, Avons fait venir pierre parent son gendre et son fermier qui y a assisté pour elle […].

Au mois de janvier 1663, Anne Ardouin est victime d’un acte criminel. Dans la nuit du 23 au 24, un nommé Larose entre par effraction dans sa maison. Pour camoufler son méfait, il met le feu à la maison. Le dénommé Larose est arrêté, condamné et pendu (3). Quelques années plus tard, le recensement de 1667 nous apprend que la veuve de Jacques Badeau a un engagé du nom de François Allard. Elle indique au recenseur qu’elle est âgée de 52 ans. Au cours de l’année 1667, Anne Ardouin et sa fille, Jeanne Badeau, seront accusées d’agression sur un serviteur du seigneur de Beauport. Cet incident fera l’objet d’un prochain commentaire.

Le 5 décembre 1667, Anne Ardouin fait appel d'une sentence rendue en faveur de son gendre par le juge de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges le 22 novembre précédent. Le Conseil souverain accepte son appel (4). Le 9 janvier 1668, la veuve de Jacques Badeau plaide sa cause devant la Prévôté de Québec. La défenderesse a déjà été condamnée à payer la somme de 300 livres tournois en avance d'hoirie à son gendre et à sa fille Jeanne selon les termes de leur contrat de mariage, passé le 2 février 1654 dans lequel « Jacques Badault & lad. Hardouin Sa veufve Se Sont obligez de luy bailler en bestial et aues Meubles » pour cette somme. Anne Ardouin souligne qu'elle a perdu lors de l'incendie de sa maison plusieurs « acquits ou Memoire de ce qlle avoit avecq Son mary, donné audit Parent » et que, de toute manière, Pierre Parent a déjà reçu la somme de 300 livres. À la suite du décès de Jacques Badeau, Pierre Parent a reçu « Sa part & portion tant de meubles que baStiments delaiSSes par la dite Badault apres Son deceds ». Le juge donne raison à la dame Ardouin et il ordonne que soient mesurées et arpentées les « terres Labourables prez et bois eStant de La SucceSSion dudit defunct Jacques Badault, aux frais convenus de la SucceSSion pour en avoir et prendre La part qui luy appartient » (5).

Anne Ardouin meurt le 11 octobre 1670.


1. Fichier origine
2. Archives du Séminaire de Québec, Documents Faribault 117a.
3. The Jesuit Relations and allied documents, travels and explorations of the jesuit missionnaries in New France 1610-1791, New York, by Reuben Gold Thwaites, Pageant Book Company, 1959, vol. XLVI, p. 296.
4. Jugements et délibérations du Conseil souverain, vol. I, p. 145.
5. Guy Perron, La Prévôté de Québec, transcription des volumes 1 et 2 (registres civils), 2 septembre 1666 au 26 octobre 1668, tome I, Longueuil, Les éditions historiques et généalogiques Pépin, collection « Notre patrimoine national », no 220, 2002, p. 256-257.

vendredi 26 août 2011

La famille Badeau

Les travaux généalogiques réalisés par le père Archange Godbout, franciscain, donnent l’essentiel des renseignements concernant l’émigration de la famille Badeau (1). Jacques Badeau et sa famille arrivent en Nouvelle-France en 1647. À La Rochelle, le 2 avril 1647, son épouse et lui sont engagés comme métayers ou fermiers des jésuites à leur ferme de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges. La famille débarque à Québec au mois d'août de cette même année. L'année suivant leur arrivée, leur fille Jeanne étudie chez les ursulines à Québec. Trois des quatre filles de Pierre Parent et Jeanne Badeau - Marie, Geneviève et Jeanne-Thérèse -  feront aussi un séjour dans cette école (2).

En 1651, Jacques Badeau s'affranchit de la tutelle des jésuites qui lui vendent une terre située tout juste à l’ouest de la rivière Beauport de la dimension de «Trois arpens de terre de front Sur le grand fleuve St Laurent de la nouvelle France e Seize Arpens de profondeur dans les bois a commencer leS dits trois arpens de front a l embouchure de la petite riviere qui Separe les terres des dits Reverends peres, davec celles de Mr Giffard» (3). Ce contrat permet aussi à Jacques Badeau d'aller couper tout le bois qu'il voudra sur un lopin de terre de 16 perches carrées situé entre sa concession et la rivière Beauport et sur lequel on trouve une carrière que se réservent les pères jésuites. Cette entente est valide pour les trois années suivantes. Malheureusement, il s'agit du seul document notarié conservé qui concerne Jacques Badeau.
Fiche familiale de Jacques Badeau et Anne Ardouin

François
b 10-8-1632, Ste-Marguerite-de-La-Rochelle / d ?

Madeleine
b 24-4-1634, Ste-Marguerite-de-La-Rochelle / d ?

Jeanne
n 1639 / d 22; s 23-11-1706, Beauport
m Pierre Parent,, 9-2-1654, Beauport

Jean
n ? / d 26; s 27-8-1711, Notre-Dame-de-Québec
m Marguerite Chalifour, 28-10-1665, Notre-Dame-de-Québec

Suzanne
n 18-8; b 3-9-1651, Notre-Dame-de-Québec / d 1669
m Jean de Rainville, 26-7-1665, Notre-Dame-de-Québec
Jacques Badeau rend l'âme le 17 août 1658. Une semaine plus tard, le notaire Paul Vachon rédige l'inventaire des biens de la communauté Badeau-Ardouin, mais le piètre état de cet acte notarié rend sa lecture difficile et ne donne qu'une information partielle.

1. Archange Godbout, Émigration rochelaise en Nouvelle-France, Montréal, Élysée, 1980, 278 pages.
2. Marcel Trudel, Les élèves des Ursulines de Québec 1639-1686,Amérindiennes et canadiennes, Montréal, Hurtubise HMH, Cahiers du Québec, collection Histoire, 1999, 440 pages.
3. BAnQ-Q, Minutier de Guillaume Audouart, le 7 avril 1651.
4. BAnQ-Q, Minutier de Paul Vachon, le 24 août 1658.

vendredi 19 août 2011

La descendance Parent

Depuis près de 15 ans, Roger Parent et son épouse Gisèle travaillent à bâtir un dictionnaire des Parent en Amérique du Nord. Ils ont débuté cette tâche colossale en épluchant les registres paroissiaux microfilmés du Québec. Par la suite, ils ont consulté le fichier Drouin numérisé qui est composé des registres d’état civil de la province de Québec des débuts de la Nouvelle-France jusqu’au début de la décennie 1940, des registres d’état civil de l’Acadie des débuts jusqu’à 1900, des registres d’état civil des paroisses francophones de la province de l’Ontario et des registres de quelques localités disséminées dans 12 états américains. On y trouve quelques forts français de la vallée du Mississipi qui ont été établis au XVIIIe siècle.

Continuant leur recherche de Parent, ils ont consulté les répertoires des baptêmes, mariages et sépultures des paroisses du Québec et des états de la Nouvelle-Angleterre qu’on retrouve dans la bibliothèque de la Société de généalogie de Québec. À cette collection s’ajoute la recherche sur les bases de données disponibles sur le Web.

Au 12 août 2011, cette imposante base de données contient 152 449 fiches réparties comme suit :

Descendants de Pierre Parent 72 257 fiches
Descendants de Gabriel Parent 6 855 fiches
Descendants de Michel Parent 4 100  fiches
Descendants de Mathurin Parent 3 055 fiches
Toutes ces fiches ne se rapportent pas exclusivement à des individus portant le patronyme Parent. Présentons deux exemples. Premièrement, considérons les descendants de Michel Parent, le neuvième enfant de Pierre Parent et Jeanne Badeau. Il a épousé Jeanne Chevalier, le 24 novembre 1692. Dans la base de données Parent, leurs descendants sont au nombre de 6 885 individus dont 3 171 portent le patronyme Parent. Deuxièmement, analysons la situation de la fille aînée Marie Parent, fille de Pierre Parent et Jeanne Badeau, qui a épousé David Corbin, le 25 novembre 1670. Les descendants de ce mariage présents dans la base de données forment 183 entrées dont 2 seulement portent le patronyme Parent et 181, les descendants de David Corbin, un autre patronyme. Si on extrapole ces résultats à tous les enfants de Pierre Parent et Jeanne Badeau, il est normal de trouver moins de fiches associées au patronyme Parent que de fiches d’autres patronymes dans le dictionnaire des Parent d’Amérique du Nord.

D’après le tableau préparé par Roger Parent et présenté lors du rassemblement des familles Parent qui s’est tenu à Trois-Rivières, le 13 août 2011, les descendants de Pierre, Gabriel, Michel et Mathurin qui portent le patronyme Parent se répartissent comme suit :

Pierre 28 569
Gabriel 2 360
Michel 2 076
Mathurin 1 096
Si on exprime ces résultats de façon relative, on peut conclure que 83,8 % des individus qui portent le patronyme Parent et qui ont été recensés par Roger Parent et son épouse ont pour ancêtre Pierre Parent et Jeanne Badeau. Les amateurs de généalogie qui veulent se procurer le dictionnaire des familles Parent doivent consulter le site web de l’Association des familles Parent d’Amérique.

On peut se poser la question suivante : Les Parent sont-ils nombreux aujourd’hui au Québec ? Les données publiées en 2006 par l’Institut de la statistique du Québec placent les Parent au 48e rang des familles les plus nombreuses.

Roger Parent est l’actuel président de l’Association des familles Parent d’Amérique.

vendredi 12 août 2011

Lignée ascendante patrilinéaire Parent

La quête de ses origines. Cette expression représente bien ce qui amène des milliers de Québécois et des dizaines de milliers d’Américains à entreprendre la recherche de leurs ancêtres, c’est à dire faire de la généalogie. Trouver le premier arrivant en Nouvelle-France d’un individu portant son patronyme constitue la première étape à réaliser et pour ce faire, le généalogiste doit remonter le temps, de génération en génération, aussi loin que les archives le permettent.

Au Québec, de nombreuses sociétés de généalogie accueillent les chercheurs habités par cet intérêt. La Société généalogique canadienne-française et la Société de généalogie de Québec sont les deux plus importantes. Chaque région possède sa société de généalogie ou sa société d'histoire, . On peut consulter cette liste sur le site web de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie. En s’inscrivant comme membres de ces organismes, le nouveau généalogiste bénéficie de conseils inestimables qui lui permettent d’apprivoiser les nombreux outils de recherche. C’est ainsi qu’il y a plus de 30 ans, j’ai réalisé mon ascendance patrilinéaire.


Ascendance patrilinéaire

Guy Parent

Donat Parent m Gisèle Sanschagrin (Arthur Sanschagrin et Jeanne Bordeleau), 2 mai 1946, à Saint-Séverin-de-Prouxlville.

Philippe Parent m Mathilde Leduc (Aurèle Leduc et Marie Jacob), 23 novembre 1895, à Saint-Prosper-de-Champlain.

Alexandre Parent m Clarisse St-Arnaud (Benjamin St-Arnaud et Émilie Trudel), 24 août 1869, à Saint-Narcisse-de-Champlain

Michel Parent m Séraphine Cossette (Michel-Archange Cossette et Euphrosine Trottier), 27 janvier 1835, à Saint-Stanislas-de-Champlain.

Michel Parent m Louise Dumesnil dit Lamusique (Charles Dumesnil dit Lamusique et Louise Langlois), 10 août 1802, à Notre-Dame-de-Québec.

Jacques Parent m Françoise-Angélique Maranda (Pierre Maranda et Françoise Pageau), 12 février 1753, à L’Ancienne-Lorette.

Étienne Parent m Simone Barbe Brassard (Louis Brassard et Simone Maufait), 9 janvier 1719, à Beauport.

Michel Parent m Jeanne Chevalier (René Chevalier et Jeanne Langlois), 24 novembre 1692, à Beauport.

Pierre Parent m Jeanne Badeau (Jacques Badeau et Anne Ardouin), 9 février 1654, à Beauport.

André Parent m Marie Coudret (France)

vendredi 5 août 2011

La famille de Pierre Parent et Jeanne Badeau – partie 2

Il faut préciser quelques points concernant les enfants de Pierre Parent et Jeanne Badeau.

Les mêmes prénoms

Tout d’abord, le fait peut surprendre, trois enfants portent le même prénom : Jean, Joseph et Charles. Précisons que le Jean Parent né en 1665 a été baptisé Jean-François mais que sa vie durant, on le nomme Jean. À l’âge adulte, comment faire pour le distinguer de son jeune frère Jean, l’un des triplets nés en 1674 ?

Ces deux Jean Parent ont vécu toute leur vie à Beauport et ceci peut engendrer de la confusion. Quand dans les documents officiels Jean est accompagné de son épouse, il n’y a pas de problème quant à son identification. Dans les autres occasions, afin de savoir si on a affaire au premier Jean ou au triplet, on l’identifie souvent dans les documents officiels comme Jean l’aîné en opposition à Jean le triplet qu’on appelle plutôt Jean le jumeau.

Pour les Joseph, le problème d’identification est rapidement réglé, car Joseph le plus âgé s’installe à Montréal en 1697 et il ne reviendra pas dans la région de Québec. Ainsi, le triplet Joseph n’a pas à se distinguer de son homonyme né en 1669.

Pour les Charles, la situation se règle malheureusement d’elle-même, car le deuxième Charles meurt quelques jours après sa naissance au début du mois de mars 1681

Les dates manquantes

Il manque plusieurs dates de naissance et de sépulture pour les enfants Parent et la raison est bien simple. Les registres paroissiaux de Beauport sont loin d’être complets pour les premières années d’existence de la paroisse. Par exemple, le baptême de Jeanne-Thérèse Parent, le 29 octobre 1673, fait partie des premières pages des registres de la paroisse de Beauport qui débutent en 1673. Le parrain de cette enfant est Joseph Giffard, le seigneur de Beauport. Cette année-là, les registres de Beauport contiennent 19 baptêmes. Auparavant, les actes de baptême des enfants Parent étaient enregistrés à la paroisse Notre-Dame-de-Québec mais plusieurs enfants de Pierre Parent et Jeanne Badeau ont été baptisés dans la chapelle de Beauport comme le spécifient leurs actes de baptême. En effet, même si Beauport n’est pas érigé en paroisse, le village possède une chapelle depuis plus de 20 ans et les missionnaires y baptisent des enfants et les enregistrent à Québec1.

Malheureusement, les registres de Beauport s’arrêtent après le 25 octobre 1674 et sont inexistants pour les années 1675 à 1677 et sont très partiels pour quelques années par la suite. Il en est de même pour la décennie 1680. Par exemple, l’acte de baptême du quatorzième enfant du couple Parent-Badeau, un fils nommé Charles, a été enregistré à Québec le 13 novembre 1676.

Naissance de triplets

Malgré des lacunes dans les registres de la paroisse de Beauport, il est possible de savoir qu’entre le 28 octobre 1673, jour de la naissance de Jeanne-Thérèse Parent, et le 13 novembre 1676, jour de la naissance de Charles Parent, Jeanne Badeau a accouché. Non pas d’un enfant ou de jumeaux, mais bel et bien de triplets. Au recensement de 1681, il est indiqué dans la famille de Pierre Parent que trois fils Parent sont âgés de 7 ans. Ils se nomment Étienne, Jean et Joseph. Selon les informations qu’on peut recouper, on déduit que Jeanne a donné naissance à des triplets et qu’ils sont nés à la fin de l’année 1674 – après le 25 octobre qui est la date de la dernière entrée dans les registres de Beauport pour cette année-là – ou au tout début de 1675. Nous savons que le 23 avril 1675, Jeanne est suffisamment en forme pour aller représenter son mari devant le tribunal de la prévôté de Québec.

Les triplets Parent se marient tous les trois, le même jour, en février 1696. Malheureusement, le curé a omis d’écrire la date du mariage en rédigeant les actes de mariages de Jean, Joseph et Étienne Parent.

Mariage de Jacques

Jacques s’est marié au cours des mois d’hiver 1677, vraisemblablement en février. Les registres de Beauport sont inexistants pour cette année mais nous avons une copie de son contrat de mariage rédigé par le notaire Fillion, le 1er février 1677.
 

(1) Jean Langevin, Notes sur les archives de Notre-Dame de Beauport, Québec, 1860, 138 pages.