Les principales récoltes rapportées dans le livre de comptes C4 du Séminaire de Québec sont présentées au tableau suivant. En Nouvelle-France, on ne peut vivre sans le blé; le cultivateur récolte surtout cette céréale. Les autres produits comptent peu. Cette céréale constitue le facteur de référence. Les historiens se basent sur le prix du blé pour déterminer les indicateurs de la santé économique de la vallée du Saint-Laurent. De 1676 à 1710, à l’île d’Orléans, on estime que le blé compte pour plus de 90% du total des récoltes (1).
Le prix du blé est relié à la qualité des récoltes et le tableau 1 indique qu’il fluctue énormément. Payé 60 à 70 sols le minot en 1688 et 1689, le prix du blé atteint des sommets à 160 sols le minot en 1692 et 1693, puis descend à un niveau allant de 40 à 60 sols le minot de 1695 à 1700. Le livre de comptes du Séminaire ne rapporte pas de prix pour cette denrée en 1690 et 1691 mais on peut penser qu’il est élevé car, dans la région de Québec, la présence de l’armée anglaise commandée par Phipps a lourdement hypothéqué les récoltes en 1690. Comme cette fin d’année difficile suit la mauvaise récolte de 1689 (2), le prix du blé est sûrement élevé. Dans sa lettre au ministre du mois d’avril 1690, Frontenac écrit que le minot de blé vaut sept francs (3), soit 140 sols. La situation ne s’améliore pas en 1692 et 1693. Les forts prix demandés en 1693 résultent de la récolte désastreuse de 1692 causée par une invasion de chenilles (4). Heureusement, après plusieurs années difficiles, l’excellente récolte de 1694 desserre la pression financière exercée par le prix du blé (5); le minot de blé se transige de 40 à 50 sols en 1695. Pour les dernières années de la décennie, la stabilité du prix du blé laisse supposer de bonnes récoltes. Le traitement du blé au moulin entraîne la production de son dont le prix n’approche jamais celui du blé; il varie entre dix sols le minot en 1688 et 1695 et vingt sols le minot en 1692, 1693, 1698 et 1700. On peut constater qu’il n’existe pas de relation entre les prix du blé et du son.
On peut comparer les prix pour la région de Québec, issus du livre de comptes du Séminaire, à ceux des seigneuries de Montréal et de l’île Jésus. À quelques exceptions – 1693, 1697, 1699 et 1700 – les prix des régions de Montréal et de Québec sont du même ordre (6). Les prix du minot de blé sont plus élevés à Québec en 1693 et 1697; par contre, en 1699 et 1700, nous constatons le phénomène contraire.
Les modestes récoltes d’avoine et de pois vert n’empêchent pas ces produits de faire partie des échanges commerciaux. Si le prix du minot d’avoine augmente graduellement de 1688 à 1700, passant de 20 à 40 sols, celui du pois vert varie considérablement. Vendu en minots, son prix de 50 sols en 1688 et 1689, monte à 120 sols en 1692 et atteint même 130 sols en 1693. Pour les années suivantes, le prix du minot de pois vert retrouve le prix payé en 1688. En Nouvelle-France, on utilise le pois vert pour l’alimentation humaine et pour l’alimentation animale.
Prix (sols / minot) des productions agricoles en Nouvelle-France pour la période de 1688 à 1700, selon le livre de comptes du Séminaire de Québec.
Année avoine blé pois verts son
1688 20 60/70 50 10
1689 20 60 50
1690 25 140*
1691
1692 120-160 100-105 20
1693 20 130-160 130 20
1694 30 40-60 12
1695 40-50 50 10
1696 60-80 10-12
1697 40-50 70-90 15
1698 40 50-70 65/70 12-20
1699 55-60 12-18
1700 40 60 20
* Cette valeur est tirée d’un rapport de Frontenac et de l’intendant Champigny au ministre, (RAPQ, 1927-1928, p. 29).
(1) Bernard Audet, Avoir feu et lieu dans l’île d’Orléans au XVIIe siècle : étude de culture matérielle, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1990, p. 185.
(2) Rapport de l'Archiviste de la Province de Québec (RAPQ) 1927-1928, p. 29.
(3) RAPQ 1927-1928, p. 105.
(4) RAPQ 1927-1928, p. 29.
(5) RAPQ 1927-1928, p. 189.
(6) Louise Dechêne, Le partage des subsistances au Canada sous le régime français, Montréal, Boréal, 1994, p. 198.
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